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Pourquoi Deby tient tant à intervenir au Yémen?

Depuis la nuit du 25 au 26 mars dernier, une coalition de dix pays de la région (les principales puissances sunnites), menée par l’Arabie saoudite, mènent des frappes aériennes au Yémen (pays le plus pauvre de la péninsule arabique) afin de freiner l’avancée des rebelles houthis (une tribu arabe chiite soutenu par l’Iran ) et leurs alliés des militaires fidèle à l’ex- président Ali Abdallah Saleh (33 ans au pouvoir, renversé par une révolution populaire en 2012) , qui avaient pris le contrôle de la capitale Sana et fonçaient vers Aden ou était réfugié le président de transition Abdel Rabah Mansour jugé corrompu.

Cette coalition composé de l’Égypte, du Maroc, du Soudan, du Qatar, de l’Arabie Saoudite, du Pakistan, etc, vise principalement d’empêcher l’arriver des chiites au pouvoir au Yémen comme c’était le cas en Irak (Nour Al-Maliki), en Syrie (Alaouites) ou encore au Liban (Hezbollah).Pour les régimes sunnites, l’arriver des chiites au pouvoir est traduit comme une main mise de l’Iran qui depuis la révolution islamique du 1979 du grand Ayatollah  Mousavi Khomeini, la politique iranienne ne ménage aucun effort dans sa vision expansionniste dans le monde musulman. Le conflit entre les chiites et les sunnites dans la région remonte à des divergences controversés autour de la succession du prophète Mohamed après sa mort. Des divergences qui ont entrainé politique et religion, les musulmans dans un cycle infernal des siècles de guerre et de haine.  Mais de nos jours, le conflit sunnites/chiites a pris une dimension identitaire, religieuse et politique. Il est devenu le discours favori des régimes corrompu et autocrate pour faire passer toute sorte des pilules auprès de l’opinion nationale ou pour prévaloir une légitimité.Au Yémen, les rebelles houthis ne sont pas des Perses ou des iraniens mais des tribus arabes faisant partie intégrante du peuple yéménite. Ainsi, le Yémen ne fait pas l’objet d’une attaque extérieur de l’Iran comme tente de faire croire certains médias mainstream. Il est plutôt question d’un problème purement interne entre le peuple Yéménite, donc l’ingérence saoudienne est clairement une violation du droit international et une atteinte à la souveraineté du Yémen et son peuple.Il est triste de constater combien de fois le pétrodollars est si puissant jusqu’à faire courber les diplomates au conseil de sécurité à New York, à soutenir une action qui met en péril les efforts de paix et de la stabilisation de la région.

Sous la bananière de la Ligue arabe, certains ont vu dans cette coalition l’espoir tant rêvé d’une unité des pays arabes. D’autres, un nouveau  souffle au panarabisme, un ancien projet né des années vingts et développer dans les années cinquante par le président Égyptien Gamal Abdoul Nassir.

Ce projet cher au peuple arabe n’a jamais vue le jour grâce notamment à des multiples contradictions et paradoxes culturels, politiques, religieuses et morales. Et pourtant, cette coalition est tout sauf unitaire. Car l’objective de chacun des pays membre peut se transformer en un véritable conflit d’intérêt.

Après que le parlement Pakistanais a rejeté à l’unanimité la proposition du gouvernement de faire parti de cette coalition, le Pakistan, une puissance sunnite proche du Royaume salafiste, s’est retiré officiellement. D’autre comme l’Égypte préoccupé beaucoup plus par la situation de chez son voisin  libyen et des groupuscules djihadiste sur son sol à Sinai au Nord que les événement au Yémen ou le Bahreïn à majorité chiite, se sont fait discret. Ce qui leur a valu des critiques par les saoudiens qui craignent un revirement de position.

Le régime soudanais qui participe par 3 bombardier y voit la chance en or pour se faire un allié de poids au vue des critiques de la communauté internationale en ce moment des élections présidentielles aux dépens de l’Iran dont le Soudan a été jusqu’ici un proche allié. L’envoi de troupes soudanaises au Yémen est donc juste ce qu’il faut pour raccommoder les relations entre Khartoum et Riyad depuis des divergences en Libye et donner aussi un peu d’oxygène à l’économie soudanaise.

Mais ce qui est incompréhensible dans tous cela, est la décision du Sénégal de vouloir envoyer 2000 soldat sénégalais combattre au coté de l’Arabie Saoudite. Une décision qui prouve une fois de plus l’esprit étriqué et la vision encarcannée de certain de nos présidents africains en matière de la chose publique. Pour qui? Pour quoi? Et au nom de quoi ces soldats vont-ils risqués leur vie au Yémen? Verront-on  un jour les saoudiens au secours des sénégalais lors qu’ils seront menacés  par des djihadistes dont la pensée salafiste est en plein effervescence au Sénégal?  Car en ce jour-là, il faut plus que les marabouts  »soufis » de circonstance et leur fétiche pour y faire face.  Pourquoi vouloir envoyer des troupes au Yémen alors que les terroristes de Boko Haram sont juste à coté?

De plus les houthis ne sont ni des terroristes, ni des djihadistes. Une opposition politico-militaire qui réclame justice sociale et partage du pouvoir. Quant aux rumeurs qui affolent la blogosphère tchadienne d’un probable envoie des troupes tchadiennes au Yémen, il faut noter que la visite du vice-ministre de la défense saoudien au Tchad à la veille de l’opération  »Tempête décisive » n’a pas un lien direct avec les événements au Yémen.

Après la mort du roi Abdallah, le nouveau roi envisage de changer radicalement les rapports tendus entre l’Arabie saoudite et les islamistes en Libye notamment les frères musulmans dont Deby joue l’apprentie sorcier avec les Toubou. Mais l’idée de l’envoie des troupes tchadiennes au Yémen vient tout droit des soudanais qui ont sollicité l’aide d’Idriss Deby après le refus catégorique des certains milices paramilitaires au Darfour contrôler par le service soudanais de renseignement de combattre au Yémen. Les soudanais ont aussi demandé de recruter des militaires des tribus arabe tchadien. Deby voit dans ce geste de quoi fanfaronner et se repositionner comme un rempart incontournable contre le terrorisme international et sans lequel il croit que le Tchad et la région seraient condamnés au chaos. Seul problème, les houthis ne sont pas des terroristes.

Le milieux conservateur saoudien qui avait initié cette coalition, considère le président tchadien comme un  »apostat » de son intervention militaire au Mali contre les djihadistes et au Nigeria contre Boko Haram. Ils ne peuvent donc en aucun cas le laisser participer dans une opération aussi complexe et  »sainte ». Dans ce milieu, Idriss Deby est considéré un laïc c’est-à-dire un non musulman qui à plusieurs reprise combattu l’islam (Mali, Nigeria, Soudan, etc). D’autant qu’il est moins un arabe. Notons à cela que Deby avait lui même dissous par un décret la principale organisation fiancée des saoudiens pour la prédilection de l’islam il y a quelque semaine soupçonné en lien avec Boko Haram.En bref, cette action au Yémen par la forte présence d’Al-Qaida engendra sans aucun doute un nouveau monstre indomptable dans cette partie de la région. Cela s’ajoute au multiple crise dont fait face les peuples de la région entre terrorisme et régime autocrate en Égypte, en Irak, en Syrie, en Libye, au Liban, en Tunisie, au Soudan, etc.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Activiste politique, mondoblogueur

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