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Tchad: Venus en décembre 1990, sont-ils des musulmans, ces nouveaux arrivants ?

CouvertureAprès le départ de Habré, les langues commencent à se délier.  Beaucoup de gens parlent de corps sans vie, ayant flotté sur le Chari, durant tout son règne et charrié vers le Lac-Tchad. Pour vérifier ces allégations, j’ai décidé d’enquêter auprès des habitants des villages longeant le fleuve Chari, à commencer par le village du Millezi  situé à l’ouest de Ndjaména, et ce sur une distance d’à peu près de 30 kilomètres.

Cependant, les villageois de nature méfiante, attitude tout à fait normale dans un pays où l’instabilité politique est chronique, ne renseignent pas le premier venu. Il faut qu’ils aient pleinement confiance en la personne à qui ils vont livrer ces confidences graves. Ainsi donc, pour bénéficier du concours de ces villageois, je me suis adressé au chef du Canton, M. Oumar Atim dont la circonscription visée relève de son autorité coutumière, pour me désigner un de ses agents qui me serve de guide puisse en même temps rassurer mes interlocuteurs.

M. Oumar Atim m’a désigné un de ses vieux messagers qui connaît parfaitement la région et qui se nomme : Azarack. Nous sommes convenus avec Azarak d’entamer notre tournée un dimanche matin. Lorsque nous avons atteint la forêt de Modjorio, située à l’ouest de Ndjaména, dans le quartier Farcha,mon guide Azarack me demande abruptement :

– Sont-ils musulmans ces nouveaux arrivants qui nous gouvernent ? Azarak fait allusion au régime Deby et à ses combattants qui n’ont même pas clôturé leur 2ème année de pouvoir. Surpris par la question de mon interlocuteur, je lui demande : pourquoi cette question ? Qu’est ce que tu as constaté de mauvais ?
Après un moment de silence il me dit : il y a quelques jours, une de nos vieilles femmes arabes après avoir, comme à l’accoutumée, vendu son lait frais au marché de Ndjaména et acheté ses condiments, a repris le chemin de son village au crépuscule. Arrivée au niveau de ces bois, elle a été interceptée par une meute de jeunes combattants Zaghawas qui l’ont traînée dans la forêt d’en face, et l’ont violée à tour de rôle. Cette femme, dit-il, est âgée de plus de soixante ans. Elle les supplie, dit qu’elle est vieille et qu’elle a l’âge de leur grand-mère. Tu sais ce qu’ils lui ont répliqué ? : “Il n’y a pas une femme vieille et une autre jeune. Une femme est une femme.”.
Lorsqu’elle a été abandonnée, après maints viols, elle ne pouvait même pas marcher. C’est grâce à des passants qu’elle a été transportée chez elle. Cette vieille est définitivement traumatisée. Et jusqu’à ce jour, elle n’a pas récupéré sa santé.

Réellement, j’ai été abasourdi par ces crimes abominables. Et Azarak a parfaitement raison de se demander si ces gens qui nous gouvernent et leurs combattants sont vraiment des musulmans…
Violer et de plus une femme qui a l’âge de votre mère ou de votre grand-mère, est un acte inadmissible chez les musulmans tchadiens. Malheureusement les viols viennent s’ajouter au répertoire déjà long des crimes de sang et des accaparement de biens entrepris par nos nouveaux gouvernants qui prétendent être venus libérer les tchadiens de la dictature Habré.  Page 64-65

Chronique d’une enquête criminelle nationale: le cas du régime de Hissein Habré, 1982-1990, Mahamat Hassan Abakar, L’Harmattan, 2006

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Auteur·e

djarmaacheikh

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