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Monde: L'Afrique au silence

Pourquoi l’Afrique est silencieuse face aux enjeux considérables dont elle est l’objet ?

Il est évident que l’Unité africaine, OUA, instituée par les pères de l’indépendance africaine en 1963, s’est retrouvée en « 50 Afriques » comme disait un certain écrivain. Est-ce une raison suffisante pour devenir complètement pusillanime devant cette appétit grandissant des puissances qui se disputent la peau de la chèvre blanche jadis négligée, oubliée, ou réservée ? Une chose est sûre, il ne s’agit pas d’une nouvelle découverte.

L’Union africaine, mise en place dans des conditions troubles, sans grande conviction, grâce aux pétrodollars et aux injonctions intempestives de Kadhafi, donne désormais l’impression d’un corps inanimé. Il est vrai que depuis toujours cette institution avait plutôt l’air d’un club de chefs d’État, en mal de légitimité pour la plupart, se côtoyant dans une répugnance amicale. Mais devant la gravité des enjeux qui concernent l’avenir de notre continent tout entier, n’est-il pas temps que qu’ils mettent au placard toutes leurs aversions insensées pour regarder en face, les vautours qui planent sur nos ressources. Ils éviteraient ensemble le pillage qui se programme sans aucun état d’âme, et qui sera dommageable pour tous ?

En effet, la crise économique, financière, budgétaire et bientôt monétaire qui secoue ceux qui étaient considérés jusque-là, comme les leaders de ce monde, débouchera sur un bouleversement. Un autre demain, au regard de l’ampleur des frictions qui se jouent en ce moment.

La guerre froide, et ce bien de cela qu’il s’agit, inutile de se voiler la face, alimentée par les suspicions qui gangrènent les rapports internationaux, sont les signes avant-coureurs d’un changement dont les factures seront à la charge des plus faibles. S’il est entendu que le côté cours de cet affrontement est le transocéanique indien, il n’y a aucun doute que son côté jardin est bien l’Afrique.

Cela dit, il y a deux démarches qui se bousculent. L’une est une conception qui a fait son temps, et qui a montré ses limites sur son terrain et ailleurs. Mais au vu de l’immense acquis technologique, informatique, et la modernisation à outrance dans le circuit, les défenseurs de cette conception veulent se maintenir. Rester coûte que coûte, malgré l’échec patent qui serait à l’origine de toutes les crises auxquelles font face des gouvernements, des places boursières et autres institutions financières du monde entier.

L’autre, celle des pays émergents qui au regard de l’expérience et forts du dynamisme de leurs différents secteurs cherchent à obtenir une nouvelle approche des échanges. Ils veulent que l’on tienne compte des nouvelles réalités. Les pays émergents rêvent à juste titre d’un nouvel ordre économique mondial ; reflétant le vrai contexte des données actuelles. Il serait incongru que le G20 conserve une vision de G7 alors que celle-ci bat de l’aile.

Au centre du débat, donc, se trouvent les matières premières, la monnaie de réserve, les dettes dites souveraines, les marchés financiers et le commerce international.
Qui du dollar, du yen, de l’euro ou une autre trouvaille sera l’outil sur lequel se baseront les économies et les échanges de demain pour payer la facture de la fracture née « de ce choc de parcours de l’Histoire ».

L’Afrique n’a pas de choix hormis dans le cadre de regroupements sous-régionaux. Le malheur de l’Afrique réside dans le fait, que ses dirigeants pour la plupart donnent l’impression qu’ils sont issus d’une autre planète. Ils sont aux antipodes des réalités qui les entourent. De plus, ils répugnent à faire appel à des cadres intègres. Entourés de « tartuffes » partisans de moindre effort, ils ne peuvent que livrer le continent à un autre siècle de désolation.

La hache de guerre idéologique étant enterrée, la bataille économique qui se joue sur la base de réserves des ressources énergétiques ne permet pas à l’Afrique de se tenir à « l’écart ». Il n’y a plus de non-alignement. Le champ de bataille est le même pour tous. Or comme l’Union européenne, les pays membres de l’UA ne portent aucun rêve commun. La seule différence est que l’UE a au moins un programme commun. Ce qui manque cruellement aux Africains.

Les Américains du Nord et les pays émergents qui se bousculent aux portes de l’Afrique avec beaucoup de détermination et de fougue, au prix de déstabiliser les habitués d’une servitude béate dans un terrain conquis, eux non plus ne sont pas des misanthropes, moins encore des enfants de cœur. Même s’ils mettent à mal l’ordre établi, l’Afrique doit ouvrir gros les yeux pour que seule la compétitivité et le sérieux de prestation garantissant nos intérêts fassent la différence.

Pour aboutir, il y a des conditions sine qua non que l’Afrique doit remplir :
1- Instaurer une gouvernance respectueuse de démocratie et des droits
2- Rompre avec l’endémie de la corruption
3-Assurer l’indépendance de la justice
4-Homologuer les codes d’investissements et le droit des affaires au moins dans chacune des sous-régions.

Autrement dit toute démarche individuelle n’est que suicide. La compétition entre États Africains en matière du développement ne peut pas se faire au prix de bradage des intérêts nationaux aux multicontinentales et aux multinationales.
La seule compétition exigée est celle qui a pour but le bien-être des populations. Et comme celle-ci ne peut être envisagée que dans une gouvernance irréprochable, toutes les consciences nationales et internationales sont interpellées pour ne regarder que dans cette direction.
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  • Mahamat Djarma Khatir (1943), homme politique tchadien également appelé Sheikh Aboulanwar, ancien maire de Fort-Lamy et membre du Front de libération nationale du Tchad, s’est engagé par la suite dans la rébellion armée tchadienne dans le but de renverser Idriss Déby.
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djarmaacheikh

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