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Idriss Deby : un invité encombrant à Abuja

Samedi 14 mai 2016, le Nigeria a accueilli un sommet international sur la sécurité pour lutter contre le groupe armé islamiste radical, Boko Haram. Onze chefs d’Etat participaient à ce sommet parmi lesquels figurait le président français François Hollande, seul Chef d’Etat non africain.

Rappel. Répondant à l’appel du président camerounais Paul Biya, des troupes tchadiennes franchissent la frontière camerounaise en janvier 2015 pour combattre le groupe djihadiste nigérian Boko Haram. Puis, le 3 février 2015, l’armée tchadienne pénètre en territoire nigérian pour prendre le contrôle de la ville de Gamboru, rapidement reprise à la secte islamiste.  Le Tchad envoie trois régiments de 800 hommes chacun, appuyés par des hélicoptères de combat MI-24 et 700 véhicules, dont des blindés. Les militaires tchadiens considérés comme des «mercenaires» par la population locale et une franche partie des politiques nigérianes ont été en première ligne au champs de bataille face aux islamistes. Plusieurs dizaines de soldat tchadiens sont morts au front.

Après l’élection de Buhari à la présidence nigériane, ce dernier n’a pas apprécié l’activisme agaçant de son homologue tchadien Idriss Deby dans la région. Les militaires tchadiens sont alors chassés et interdits d’entrer en territoire nigérian.

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En décembre 2015, à la demande d’Abuja, l’armée tchadienne quitte le Nigéria et se replie au Cameroun avant de rentrer au Tchad. La victoire de l’armée tchadienne au front contre Boko Haram est incontestable. Pourtant, le président tchadien Idriss Deby ne manque pas de se faire humilier voire ignorer par ses homologues régionaux à chaque rencontre. La presse internationale -notamment française – impute la victoire dans la lutte contre Boko Haram aux armées Camerounaise et Nigériane alors qu’en réalité les Tchadiens ont payé un lourd tribu.

Lors du deuxième sommet sur la sécurité au Nigeria ce week-end, le président en exercice de l’Union africaine – président du Tchad et acteur principal dans la lutte contre Boko Haram – s’est vu au grand dam de ses attentes être relégué au rang de second plan :
D’abord, accueilli à l’aéroport par le ministre de la défense ainsi qu’un un parterre des  »Boulamas » en grand boubou et des réfugiés, il a par la suite été conduit à l’hôtel ou devait avoir le sommet. Malgré la climatisation et le beau temps, le Idriss Deby transpirait de chaleur. Le président français, François Hollande, et le président béninois, Patric Talon, ont chacun été accueilli par leur homologue nigérian Mahamadu Buhari. Placé à l’angle mort des invités, comme s’il était atteint de choléra ou d’une maladie infectieuse, Idriss Deby avait alors décidé de ne plus cacher ses affres ; assis tout furieux en pleine conférence dans la salle devant le public, M. Deby a sorti un coupe-ongle et s’est mis à couper ses ongles en signe de protestation devant les cameras sans avoir l’air de se soucier du caractère solennel de la conférence.

Cette séquence, nous rappelle le spectacle de l’ex président du Bénin, Boni Yayi, sortir une crème et se la mettre au visage avec insistance et sans discrétion en pleine cérémonie lors de l’investiture du nouveau président du Burkina Faso (Roch Marc Christian Kabor) le 29 décembre dernier.

Le président tchadien s’est donc vu voler la vedette par le nigérian Buhari dans la lutte contre le terrorisme. En plus, Idriss Deby voulait coûte que coûte poser pour la photo avec le président François Hollande, il voulait ainsi affirmer ses liens forts avec la France depuis sa réélection vis à vis de l’opinion nationale tchadienne. Mais les services de protocole français et nigérians ont éclipsé tout rencontre en tête à tête entre Deby et Hollande.

Idriss Deby vient d’être réélu pour un cinquième mandat lors d’un scrutin contesté et entaché de plusieurs irrégularités. Ni la France, ni les États-Unis ne sont encore prononcés officiellement.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Analyste politique

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