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Burkina Faso : la tyrannie du peuple burkinabè

Le 17 septembre, le président de la transition du Burkina Faso Michel Kafando a été renversé par le régiment de sécurité présidentielle (RSP), unité d’élite de l’armée burkinabè et garde prétorienne de l’ancien président, Blaise Compaoré. Une semaine après, les putschistes et les loyalistes sont parvenus à un accord d’apaisement. Michel Kafando a retrouvé son fauteuil de président de transition du Burkina Faso mais l’impasse reste entière.

Le monde entier (ONU, UA, Cédéao) a condamné cette tentative de coup d’État ou plutôt la « prise d’otage » orchestrée par le général Gilbert Diendéré, le chef des putschistes. Cependant, ce dernier coup de force s’est révélé une réalité amère, dont nous avons été témoins durant toute une semaine. La tentative des putschistes à lever la voile sur l’immaturité politique de la classe burkinabè en place et la forme de démocratie que les autorités de transition et les «Sankaristes» cherchent à imposer au Burkina avec l’aide d’un peuple, dont la conscience collective est en récréation.

Cette forme de démocratie n’est rien autre que ce dont le Franco-Suisse Benjamin Constant appelle la tyrannie de la majorité. Il annonce que « L’erreur de ceux qui, de bonne foi dans leur amour de la liberté, ont accordé à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes, vient de la manière dont se sont formées leurs idées en politique. Ils ont vu dans l’histoire un petit nombre d’hommes, ou même un seul, en possession d’un pouvoir immense, qui faisait beaucoup de mal ; mais leur courroux s’est dirigé contre les possesseurs du pouvoir, et non contre le pouvoir même. Au lieu de le détruire, ils n’ont songé qu’à le déplacer. »

Dans le cas du Burkina Faso, on notera d’abord que ce coup de force du régiment de la sécurité présidentielle intervient à quelques jours de la révélation de l’état de l’enquête sur la dépouille de Thomas Sankara. Un rapport qui pourrait accuser directement le RSP et aussi provoquer des hostilités envers la France qui avait soutenu le régime de Blaise Compaoré. D’où la prudence des services français du renseignement à composer avec un futur régime et un État pro-sankariste au Burkina.

S’il n’existe aucun lien entre les putschistes et les renseignements français, on est en droit de se demander à qui profitent vraiment des événements survenus ces derniers jours pendant une semaine au pays des hommes intègres ?

Ensuite, si le coup d’État est à condamné, les raisons et les demandent des putschistes sont tout à fait légitime. Le général Gilbert Diendéré dit avoir agi pour empêcher la dissolution du RSP et pour protester contre la mise à l’écart d’alliés de l’ancien président pour les élections qui doivent parachever la transition. En effet, constitutionnellement et juridiquement, ni le Conseil national de transition, ni l’Assemblée nationale intérimaire moins encore le président de transition n’ont le droit de faire voter une loi qui empêchera un parti politique et des personnalités de se présenter aux élections. Même s’ils sont les ténors d’une ancienne dictature. C’est au peuple de juger par le suffrage universel. L’Assemblée intérimaire ne peut aussi dissoudre une entité ou prendre des décisions qui relèvent de l’autorité d’un président et d’une Assemblée nationale élue par le peuple. Ce dont n’est pas le cas.

Si les autorités de transition ont de quoi à se reprocher aux anciens ténors du régime Blaise Compaoré, ils doivent se référer à la justice qui décidera des procédures à suivre. Reste à savoir ce qu’est l’indépendance de la justice dans un pays comme le Burkina.

Enfin, nous devons dénoncer le rôle néfaste qu’a joué le Balai Citoyen lors de ces événements. Tantôt de la société de civile, tantôt acteur politique, le Balai Citoyen à plusieurs fois fait appel à l’apologie de la violence dans ses communiqués sur les réseaux sociaux dans le choix des mots et d’expressions notamment envers la médiation de la Cédéao. Nous devons aussi dénoncer le rôle de l’opposition qui interprète des failles constitutionnelles et juridiques selon ses propres intérêts.
Et dénoncer par la même rigueur, l’approche du mouvement politique sankariste qui va dans le sens inverse des idéaux de son fondateur Thomas Sankara.

Si le peuple burkinabè a réussi à faire dégager un dictateur, il est loin de faire une révolution ou de parvenir à une démocratie. Jusqu’à présent les Burkinabè n’ont fait que chasser une tyrannie minoritaire par une tyrannie de masse. Il est encore très tôt de crier démocratie.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjnai
Mondoblogueur, Activiste politique

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