Djarma Acheikh Ahmat Attidjani

Idriss Deby: un intrus malveillant au G7

Les frasques du président tchadien n’en finissent pas. Pendant que certains se demandent ce qui pourrait bien cacher son Kaptani, l’habile traditionnel tchadien, Idriss Deby semble totalement rompre avec le costume et le treillis militaire. A coté des chefs d’Etat des pays de G7 auquel il n’a rien en commun, incapable de se hisser à la vie mondaine tel un berger, l’Afrique est incontestablement malade d’elle-même.

Invité en tant que Président en exercice de l’Union Africaine au 42e édition du forum du G7 au Japon; y figure parmi les invités entre autres Banki-moon, Secrétaire général de l’ONU, Christine Lagarde, Directrice de la FMI, Jim Yong Kim, Président de la Banque mondial, José Angel Gurria, Secrétaire général de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et autres chef d’État de l’Asie du sud-est.

Comme une mouche dans la soupe, les tchadiens se demandent ce dont pourrait bien faire un certain Deby à un tel endroit, se rappelant encore avec son coupe-ongle à Abuja. Contre toute attente et contrairement au sommet sécuritaire du Nigeria, il y a quelque semaine, on découvre cette fois-ci un président à bout de souffle. Ses jambes pouvaient à peine tenir son corps. Sa maladie est un secret de polichinelle  malgré les rumeurs qui se tournent au tour. Mais celle-là ne l’empêche pas à conduire le Tchad tout droit au mur. Bien dommage.

En quête de légitimité internationale depuis le holdup électoral d’Avril 2016, Deby peine à trouver une reconnaissance gracieuse et généreuse dans sa posture «hypocrite» dans la lutte contre le terrorisme. C’est durant un mois que des agents du ministère des affaires étrangères du Tchad et le cabinet présidentiel y travaillent pour ce sommet.

Il est question pour le président tchadien de profiter lors de ce rencontre à rappeler au Secrétaire général de l’ONU le dossier concernant l’engagement du Tchad au Mali. Rappelons que le Tchad réclame 320 millions de dollars des Nations-unis dans la guerre que les FATIM, Force tchadienne d’intervention au Mali, ont mené contre les djihadistes d’AQMI pour libérer le nord Mali tomber aux mains des islamistes en 2012.

Selon l’évaluation faite par le ministère tchadien des Finances et du Budget, le Tchad a décaissé plus de 400 millions de dollar. Les autorités tchadiennes se disent depuis lors prêtent à saisir qui de droit, à savoir les bailleurs de fonds, pour que la somme leurs soit remboursée. L’ONU de son coté réponde que l’intervention de FATIM n’est pas sous sa résolution mais s’engage à payé les dépenses en carburant au titre de soutien. En réalité c’était le prix à payer pour ne pas se faire éjecter par les socialistes de François Hollande fraichement installé à l’Élysée.

Il est aussi une occasion de demander une faveur auprès de Lagarde à la FMI pour un prêt à fin de pouvoir payer les salaires des fonctionnaires à l’approche du fin de mois de Ramadan. Selon les indiscrétions du palais rose, le lobby parisien ne répond plus aux requêtes incessantes en matière de finance auprès des institutions internationale. Les caisses de l’Etat sont littéralement vide. Tout les grands secteurs de revenue du pays sont en rouge sauf la téléphonie mobile. Il y a plus de liquidité dans les banques alors Idriss Deby n’a qu’autre choix que de se tourner vers l’extérieur dans un contexte économique compliqué.

Dans la foulé, son état de santé déplorable comme un dealer sicilien interpelle plus d’un. Son ventre grossit de plus en plus comme s’il était atteint de la maladie de kwashiorkor. L’imposant ainsi une tenue vestimentaire pour cacher sa  grosses de ventre. Peut-être que son cauchemar se réalise. Lui qui en 2006 répondait aux critiques acerbes des opposants qu’ils ne leur restent que de dire un jour Deby enceinte. Ils auraient peut-être raison.

Face au mystère bien gardé qui entoure son état de santé, chacun va dans sa spéculation. Certains voient une atteinte, d’autres un moyen plus sur de se libérer de l’oppression d’un dictateur qui n’a fait que trop duré. Poursuivant son objectif, il serait au Émirat Arabie-Unis pour de quoi éviter la foudre des fonctionnaires du secteur public.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Analyste politique


Tunisie: l’impossible reconversion d’Ennahda

Le parti islamiste tunisien Ennahda, l’ancien parti au pouvoir, tient son 10e congrès à Radès, près de Tunis, du 20 au 22 mai 2016. Le mouvement a dirigé le pays après la révolution qui a provoqué la chute de Ben Ali entre octobre 2011 et janvier 2014. Lors de ce congrès, il pourrait ainsi réviser sa doctrine et ne plus se définir comme un mouvement religieux. Une reconversion risquée et dangereuse.

Symbole de la révolution des peuples arabes qui a précipité la chute les régimes dictatoriaux et corrompus au Maghreb et au Moyen-orient, la Tunisie est le seul pays dans la région à avoir réussi à éviter l’anarchie libyenne, le désastre syrien ou encore l’impasse égyptienne.
Dans tous les pays où le vent de la révolution a soufflé, celui-ci a servi aux mouvements et groupes islamistes plus ou moins radicaux. Très vite, le printemps arabe s’est transformé en un véritable cauchemar.

Les acteurs de la révolution se sont retrouvés dans une lutte perpétuelle contre les islamistes propulsés au pouvoir. Comme une épée de Damoclès, la gouvernance tumultueuse des islamistes en Tunisie est rythmée d’assassinats des leaders politiques de l’opposition, de corruption et de tentative de « saoudisation » de la société tunisienne. Après une expérience chaotique, le parti islamiste Ennahda perd le pouvoir lors d’un scrutin électoral face à un bloc issu des partis d’oppositions libéraux et de la société civile. Mais elle est contre toute vraisemblance un exemple de démocratie par rapport aux d’autres pays tels que la Libye, l’Égypte, le Yémen, le Bahreïni ou le Liban.

Du religieux au civil : pas vraiment

Fondé sur une doctrine de l’islam omeyyades, elle est l’expression du rejet du colonialisme occidental dans la région. Une forme de guerre idéologique et confessionnelle moderne. Qu’elle soit pacifique ou djihadiste, l’objectif est le même : gouverner selon leurs interprétations de l’islam.

En toute logique, les délégués du parti devraient lors ce congrès restreindre l’activité du parti sur la seule action politique. Ainsi, ses activités de prédication religieuse seront prises en charge par un réseau associatif extérieur au parti, mais idéologiquement proche. Les discours politiques seront de nature plus laïcs. Selon les textes, Ennahda pourra dès lors se définir comme un parti « civil », mais dans les faits, ce n’est que la continuité plus belle de l’islam politique.

Inspiré par la Taquiya chiite, les islamistes sunnites développent dans les années 90 une stratégie similaire pour faire face aux mouvements libéraux et leurs alliés occidentaux.
Critiqués sur leur posture religieuse ostentatoire et l’exclusion voire l’oppression des minorités religieuses, ceux-ci se trouvent contraints de se convertir à un modèle beaucoup plus ouvert et civique.

Les islamistes au Soudan étaient les premiers à se lancer dans une telle reconversion pour essayer de répondre aux critiques, notamment des populations du sud majoritairement chrétiennes et athées, et faire face aux groupes armés séparatistes du sud.  L’aile civique des islamistes est alors appelé le Congrès National, beaucoup plus ouvert, qui prend en compte la diversité socio-religieuse du Soudan.
Le parti islamo-conservateur turk -AKP- s’est lancé dans la même logique en 2002 pour contrer les critiques des libéraux laïcs et s’ouvrir plus à l’imposante chrétienté en Turquie.

Chez les islamistes, gouverner par la charia, ce n’est pas simplement une question de statut juridique et constitutionnel. Leur lutte s’inscrit dans une volonté divine, la foi. Elle peut prendre des formes différentes selon les exigence du moment et du lieu, avec des moyens diversifiés. Renoncer à cette doctrine c’est renoncer à l’islam, à la parole de Dieu et à soi.

Chez les islamistes comme en politique, tous les coups sont permis.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Activiste politique, passionné des études islamique


Me Pierre Haïk: Conseil-avocat du diable

La justice est universelle et même les diables s’en servent. Eux qui sont les sources de malheur et tant de cruauté pour la société. Comment une personne qui gouverne par une injustice inacceptable, qui tue et à famine son peuple et qui favorise l’impunité totale peut-t-il se caché sous la toge du droit?

Aussi paradoxale et controversé que cela puisse paraitre, il y à, ceux du droit, des avocats, qui n’aménagent aucun effort pour nous maintenir dans un cycle infernal de la souffrance. Si la justice veut que chacun soi défendu, certains en tenu noir, pour peu qu’ils puissent empocher vont jusqu’à endosser le rôle au lieu de défendre . N-à-t-on pas vu des magistrats et des avocats corrompus? Si le métier d’avocat exigeait un sens morale, nombreux sont ceux qui seront derrière les barreaux ou se convertir en seigneur de guerre. Après sa tentative désespérer de m’extrader vers le Tchad, voila une autre aussi désastreuse que la précédente. Et pourtant,  je ne fais qu’écrire.

Me Pierre Haïk est un avocat à la cour de Parie et conseil du dictateur tchadien Idriss Deby. Il demande dans un courriel qui m’a été jointe de  supprimer un article qu’il estime  illicite. Retiré de cette plateforme mais disponible sur «Qui succédera le dictateur tchadien Idriss Deby s’il succombe à la maladie?», selon l’avocat, cet article «contient de propos au contenue manifestement illicite,…., diffamatoire et injurieux a l’encontre de son (mon) client» à savoir le president dictateur Idriss Deby Itno.

Pour Me pierre, l’article renferme «des imputations dénuées de tout fondement […] former de manière direct ou allusive, de nature porter atteinte à son honneur.» La messe est dite mais en plus, il me reproche d’avoir traité son client de «dictateur».

Cela s’appelle dans le jargon ecclésiastique «advocatus diaboli», avocat du diable. Celui-ci est sensé selon le droit défendre des accusés ou parfois des supposés coupables ou des causes qu’ils sont très difficile de défendre tellement la culpabilité est certaine, l’atrocité des crimes choquante et/ou la cause amorale.
Et pourtant, tout le monde doit pouvoir être défendu, même ce satané diable et dictateur, responsable de tant d’infâmes vilenies.

Mais laissons le diable dans son palais et penchons sur son avocat, son défenseur. En effet, il est aussi controversé et paradoxale que son client.

Me Pierre, est l`avocat et conseil de Michel Roussin, un haut retraité de la DGSE (Service extérieur de l’espionnage français ), responsable Afrique de Bolloré, et le patron du MEDEF-International. C’est-à-dire le lobby puissant d’Idriss Deby en France. Deby étant l’élève chéri du service secret français, il est tout à fait naturel de mettre à son service l’un des meilleurs avocat de France. Pas pour lui défendre ses crimes, tortures, trafiques et faux-monnayage, mais contre les écrits d’un simple blogueur.

Brillant pénaliste, Haïk a fait ses armes en défendant les trafiquants de stupéfiants et la pègre avant de devenir un fin connaisseur des rouages de la Françafrique peut-on lire dans les colonnes d’un journal français.
Il est aussi l’avocat de Nicolas Sarkozy l’ancien president français et de l’ex president ivoirien  Laurent Gbagbo. C’est curieux, non!

Me Pierre Haïk s’était rendu à l’Elysée en 2009 pour recevoir la légion d’honneur. Vive les valeurs françaises de la république et de la démocratie.

Visiblement, il y a des défenseurs des droits de l’homme et des défenseurs contre les droits de l’homme. Mais contrairement au client, je ne souffre pas d’une phobie de justice, ni d’un déni de droit.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Activiste politique


Interview: l’impact de la guerre contre Boko Haram sur la population locale

Après le Nigeria et le Cameroun, le Niger subit à son tour les attaques de Boko Haram sur son territoire. Les insurgés contrôlent depuis novembre 2013 un chapelet de villages côté Nigeria sur une bande frontalière de 350 kilomètres. Les jihadistes ont mené des incursions tactiques, des exactions, et des opérations de recrutement avant de passer à un mode réellement offensif en février : tirs d’obus, tentatives d’action de sabotage, incursions au sol et attentats suicides.

Invités :
Françoise Wallemacq: Journaliste

Georges Berghezan: Chargé de recherche au Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité – GRIP

Présenté par : Fabienne VANDE MEERSSCHE – Radio Télévision Belge Francophone-rtbf

 

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Interview: Présidentielle du 10 avril au Tchad- Radio Amandla

Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, les observateurs dépêchés par différentes organisations sous-régionales et/ou de la société civile dressent un bilan quelque peu contrasté du scrutin du 10 avril. Tous évoquent un climat calme, qui a permis de mobiliser un grand nombre d’électeurs dans les grandes villes. Mais ils pointent par ailleurs un certain nombre d’irrégularités durant l’élection.

Invité:

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani: Blogueur, activiste

Présenté par: Leatitia J Radio Amandla – Canada

Réalisé le 13 Avril 2016

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Idriss Deby : un invité encombrant à Abuja

Samedi 14 mai 2016, le Nigeria a accueilli un sommet international sur la sécurité pour lutter contre le groupe armé islamiste radical, Boko Haram. Onze chefs d’Etat participaient à ce sommet parmi lesquels figurait le président français François Hollande, seul Chef d’Etat non africain.

Rappel. Répondant à l’appel du président camerounais Paul Biya, des troupes tchadiennes franchissent la frontière camerounaise en janvier 2015 pour combattre le groupe djihadiste nigérian Boko Haram. Puis, le 3 février 2015, l’armée tchadienne pénètre en territoire nigérian pour prendre le contrôle de la ville de Gamboru, rapidement reprise à la secte islamiste.  Le Tchad envoie trois régiments de 800 hommes chacun, appuyés par des hélicoptères de combat MI-24 et 700 véhicules, dont des blindés. Les militaires tchadiens considérés comme des «mercenaires» par la population locale et une franche partie des politiques nigérianes ont été en première ligne au champs de bataille face aux islamistes. Plusieurs dizaines de soldat tchadiens sont morts au front.

Après l’élection de Buhari à la présidence nigériane, ce dernier n’a pas apprécié l’activisme agaçant de son homologue tchadien Idriss Deby dans la région. Les militaires tchadiens sont alors chassés et interdits d’entrer en territoire nigérian.

Lire => Des soldats tchadiens quittent le Nigeria à la demande d’Abuja

En décembre 2015, à la demande d’Abuja, l’armée tchadienne quitte le Nigéria et se replie au Cameroun avant de rentrer au Tchad. La victoire de l’armée tchadienne au front contre Boko Haram est incontestable. Pourtant, le président tchadien Idriss Deby ne manque pas de se faire humilier voire ignorer par ses homologues régionaux à chaque rencontre. La presse internationale -notamment française – impute la victoire dans la lutte contre Boko Haram aux armées Camerounaise et Nigériane alors qu’en réalité les Tchadiens ont payé un lourd tribu.

Lors du deuxième sommet sur la sécurité au Nigeria ce week-end, le président en exercice de l’Union africaine – président du Tchad et acteur principal dans la lutte contre Boko Haram – s’est vu au grand dam de ses attentes être relégué au rang de second plan :
D’abord, accueilli à l’aéroport par le ministre de la défense ainsi qu’un un parterre des  »Boulamas » en grand boubou et des réfugiés, il a par la suite été conduit à l’hôtel ou devait avoir le sommet. Malgré la climatisation et le beau temps, le Idriss Deby transpirait de chaleur. Le président français, François Hollande, et le président béninois, Patric Talon, ont chacun été accueilli par leur homologue nigérian Mahamadu Buhari. Placé à l’angle mort des invités, comme s’il était atteint de choléra ou d’une maladie infectieuse, Idriss Deby avait alors décidé de ne plus cacher ses affres ; assis tout furieux en pleine conférence dans la salle devant le public, M. Deby a sorti un coupe-ongle et s’est mis à couper ses ongles en signe de protestation devant les cameras sans avoir l’air de se soucier du caractère solennel de la conférence.

Cette séquence, nous rappelle le spectacle de l’ex président du Bénin, Boni Yayi, sortir une crème et se la mettre au visage avec insistance et sans discrétion en pleine cérémonie lors de l’investiture du nouveau président du Burkina Faso (Roch Marc Christian Kabor) le 29 décembre dernier.

Le président tchadien s’est donc vu voler la vedette par le nigérian Buhari dans la lutte contre le terrorisme. En plus, Idriss Deby voulait coûte que coûte poser pour la photo avec le président François Hollande, il voulait ainsi affirmer ses liens forts avec la France depuis sa réélection vis à vis de l’opinion nationale tchadienne. Mais les services de protocole français et nigérians ont éclipsé tout rencontre en tête à tête entre Deby et Hollande.

Idriss Deby vient d’être réélu pour un cinquième mandat lors d’un scrutin contesté et entaché de plusieurs irrégularités. Ni la France, ni les États-Unis ne sont encore prononcés officiellement.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Analyste politique


Idriss Deby Itno: La réélection du mal

Après 26 ans au pouvoir, Idriss Déby est réélu pour un 5eme mandat. Durant tous ce temps, lui et son groupe ethnique se sont ingéniés à faire supplanter les normes d’un État normal par les us et coutumes de leur communauté tribale.

Cela s’appelle, dans le jargon prisé des chercheurs, « implémenter » ! Raillé, et avec lui son égérie de première dame, pour les fantaisistes titres de « doctor honoris causa  » à eux décernés, Idriss Déby Itno peut désormais se targuer d’avoir appliqué et généralisé les mœurs, us et coutumes Béri au Tchad entier. Donnant ainsi l’impression aux Tchadiens de vivre, non pas dans une jeune république plurielle tendant vers une nation, mais dans une république Zaghawa sortie tout droit de la féodalité. N’en déplaise à ceux qui se trompent des énormités fâcheuses, le pouvoir d’Idriss Déby Itno aura battu tous les tristes records dont cette implémentation, de loin le plus mauvais, qui consacre l’échec de la construction continue d’un Etat moderne. Les précédents pouvoirs, excepté la parenthèse anarchique du GUNT, ont œuvré, malgré leurs tares et avec les moyens de bord qui étaient les leurs – comparés aux énormes ressources disposées par le pouvoir MPS depuis 1990- à la difficile édification d’un Etat moderne et y ont préservé une marge nécessaire. Les décennies MPS auront servi, non pas à continuer cette œuvre en l’améliorant, mais à enterrer les acquis du jeune Etat tchadien. Lequel, depuis 1990, est voué à céder le pas à un Etat privé, insidieux, autrement plus féodal que moderne : celui des nouveaux princes Zaghawa qui ne font plus mystère de leur volonté de domination sans bornes sur le reste de leurs compatriotes et dont l’arrogance est sans commune mesure aujourd’hui.

Aussi péremptoire que cela puisse sonner, le Tchad républicain n’existe plus. De lui ne demeure que ce nom de baptême pour un « état » Zaghawa tenu par la parentèle des Itnos. Tout observateur, attentif et avisé de l’évolution cahoteuse du Tchad depuis l’avènement du MPS, aura noté la mise au pas de toutes normes républicaines d’Etat moderne. Lesquelles sont supplantées, au niveau institutionnel et plus largement, dans la vie politico-économique et socioculturelle du pays, par des règles féodales jadis en cours chez les peuples Béri des confins tchado-soudanais. Point d’élucubrations d’aigris, il faut convoquer quelques auteurs, essayistes politiques ou anthropologues, pour étayer ce que les Tchadiens expérimentent amèrement. De quoi ravir notamment une certaine Marie-José Tubiana dont les études sur le peuple Béri semblent ainsi généralisées par notre Itno national. Le Tchad, de 90 à aujourd’hui, donne, en effet, de la contenance à l’œuvre anthropologique de Marie-José Tubiana. Cette bretonne éprise du peuple Béri, nous donne éloquemment, dans « Des troupeaux et des femmes : mariage et transfert de biens chez les Béri (Zaghawa et Bidéyat) du Tchad et du Soudan »[1], une connaissance de nos princes d’aujourd’hui pour mieux comprendre la conduite de la destinée du Tchad entre leurs mains. Le titre de l’œuvre est assez illustrateur de ce qu’ils ont fait et font du Tchad jusque-là : le mettre sous coupe réglée, jouant de leurs liens matrimoniaux et ethniques pour s’accaparer le pouvoir et les richesses du pays.

Quand, les rezzous TGV du MPS fondaient courant novembre 90 sur la forteresse des FANT d’Hissein Habré pour la faire chuter le 1er décembre 90, les Tchadiens, euphoriques à l’idée d’être débarrassés de la dictature, ne se doutaient pas que la nouvelle ère promise était déjà chargée de désillusions. Sauf ceux qui savaient la nature et les mobiles des futurs maîtres à la tête d’un groupe à part qui s’est conjoncturellement allié aux autres (Mosanat, ex-FAP, etc.) pour forcer la porte du palais. Bien qu’ayant été toujours dans l’antre et l’ombre du pouvoir – de l’empire du Ouaddaï au royaume du Kanem-Bornou en passant par les pouvoirs postindépendance du Tchad- servant d’exécutants et de supplétifs aux princes, les Zaghawa sont restés un peuple à part tout en rêvant de l’entièreté du pouvoir. Leurs « difficultés et (…) réticences à s’intégrer dans un ensemble national », caractérisés qu’ils sont par « un irrédentisme toujours sous-jacent » [Tubiana ; 1985], ont contribué de fait à marquer leur mainmise sur le pouvoir – une fois l’objectif atteint- et creuser le fossé avec les autres composantes de la société tchadienne.

Tubiana, dans son œuvre qui privilégie «  l’alliance matrimoniale comme lieu de rencontre (…) de l’anthropologie de la parenté, de l’anthropologie économique et de l’anthropologie politique  » [Tubiana ; 1985 ; 355], nous donne une meilleure connaissance du peuple Zaghawa, permet de mieux saisir sa « complexe » articulation en « clans et lignages » ; une sorte de toile d’araignée qui semble tissée aujourd’hui sur tout le Tchad et donne du tournis aux Tchadiens agacés de les voir partout dans les rouages importants de l’Etat sans en présenter les compétences. De fait, structurant les jeux sociétal et politique, l’alliance matrimoniale est et reste, chez eux, l’indéniable moyen de transfert de biens. Au centre de tout et affaire de tous (père, mère, oncles, tantes, frères, sœurs, cousin(e)s, neveux et nièces), rendez-vous du donner et du recevoir, elle traduit dans les faits la solidarité familiale, étend ou renforce les liens communautaires. Les familles y acquièrent, accumulent ou grossissent leurs richesses. Aussi, tout bien appartenant à un des leurs et qui plus est au chef, appartient à toute la communauté qui peut en disposer comme bon lui semble. Ainsi le Tchad, sous Idriss Déby Itno qui ne fait rien pour qu’il appartienne à tous les Tchadiens, comme butin de guerre, est devenu leur bien exclusif. Par le fait du pouvoir, ils ont comme un sauf-conduit pour disposer de tout, de façon effrénée et en toute impunité. Il en est ainsi des fils et surtout neveux et nièces qui gravitent autour de leur père ou oncle de président. Chez les Zaghawa du Tchad, le rapport entre l’oncle maternel et son neveu est de loin le plus confiant pendant que chez les Zaghawa du Soudan, le rôle du père et de l’oncle maternel est indissociable. « (…) Si l’oncle est titulaire d’une position politique importante le neveu deviendra son homme de confiance, de préférence à ses propres fils », la croyance étant que ceux qui secourent l’enfant sont les frères de la sœur [Tubiana ; 1985 ; 243]. Mieux, ce sauf-conduit donne, par exemple, le droit au neveu de « s’emparer, en toute impunité, d’un certain nombre de bêtes dans le troupeau de son oncle » pour sa compensation matrimoniale. Les frères Erdimi auront ainsi été les éminences grises, ordonnateurs, dépositaires et « Raspoutine » du palais et du pouvoir. Ils auront disposé des sociétés d’Etat, de l’argent de l’or blanc et de l’or noir avant que leur grande envie du pouvoir les sépare de leur oncle.

Beaucoup d’autres Zaghawa, recyclés dans les affaires ou non, et qui roulent aujourd’hui carrosses, auront aussi disposé de toutes les ressources que leur confère le pouvoir tribal, clanique et familial. Les tout-puissants petits princes d’aujourd’hui jouent à fond leur partition de parvenus arrogants sans mérite. Les nièces ou sœurs, analphabètes, d’une ignorance et d’un obscurantisme maladifs, s’en donnent à « cœur-belliqueux ». S’autoproclamant transitaires attitrées de la République, installant leurs postes de douane parallèles, jusque dans la cour des douanes, elles arnaquent les autres tchadiens obligés de payer des droits hors normes et exorbitants. Aujourd’hui, comme achèvement de cette implémentation de leur anthropologie socio-économico-politique à l’échelle du Tchad et de l’Etat, ils sont à tous les postes « juteux » de la République et la plupart des sociétés ou entreprises sont entre leurs mains. Les postes de DGA de la plupart des succursales de banques étrangères au Tchad sont ainsi aménagés en partie pour eux. Qu’ils aient été instruits ou qu’ils soient d’illustres nullards ! Être Zaghawa étant un sauf-conduit suffisant et imparable !

Moyen de transfert de biens, l’alliance matrimoniale traduit aussi l’accommodation, par les Zaghawa, avec les pratiques répréhensibles. Le vol, le pillage, le crime, etc., sont, en effet, de loin des pratiques normales chez eux. Le bandit et les actes répréhensibles dans le monde moderne tels les razzias de bétail ou le rapt de jeunes filles ne sont pas condamnables chez les Béri. Ainsi, à défaut de pouvoir réunir les têtes d’animaux pour l’alliance matrimoniale, l’on opère des razzias de bétail dans ces contrées. Ces razzias, au-delà de la nécessité, constituent paradoxalement un fait d’héroïsme ancré dans les mœurs. Au point où les jeunes gens aspirant à l’union préfèrent organiser des expéditions pour voler du bétail chez les tribus ou ethnies voisines. « Les jeunes confèrent à ce genre de pratique un caractère héroïque et il suffit d’écouter les chansons des jeunes filles incitant les garçons au vol  » pour comprendre. Ce d’autant plus que « le voleur de chameaux n’est pas en rupture avec la société beri ; elle ne le blâme pas, au contraire. »[Tubiana ; 1985 ; 319]. Tous les moyens, répréhensibles soient-ils, sont bons pour accumuler les richesses et constituer la compensation matrimoniale. Même celle du bandit invétéré est reçue et acceptée. J.M Tubiana cite l’exemple du Mogdum Fodul qui donna en mariage une de ses filles à un bandit de grand chemin[2]. Condamné par la justice coloniale, ce genre d’individu est soutenu par la justice traditionnelle parce que « loin d’être au ban de la société, son courage, ses exploits aux dépens des populations étrangères et au profit de son groupe font de lui, au contraire, un personnage dont on veut rechercher l’alliance » [Tubiana ; 1985 ; 178]. Ceci semble un point non négligeable du système des « valeurs » Zaghawa. Il peut expliquer bien des comportements dans leur gestion des affaires publiques à un niveau plus large aujourd’hui. Bichara Idriss Haggar, intellectuel Zaghawa ayant occupé de hautes fonctions politiques et un des fils du patriarche Haggar, le confirme un peu. Il note que la razzia est une des activités favorites notamment du clan Biriyéra ou Biliat dont est issu le président actuel du Tchad : « C’est un groupe au sein duquel il existe un dédain de toute propriété d’autrui » et dont « les membres « tiraient gloire des vols au détriment d’étrangers » [Haggar ; 2003 ; 14-15][3].

Ceci expliquant cela, on comprend mieux pourquoi le pillage des ressources de l’Etat et le détournement des deniers publics sont impunis sous le pouvoir d’Idriss Déby Itno. Surtout quand ils sont le fait de ses parents Zaghawa. Tour à tour ou à la récidive, des barons du pouvoir auront connu les geôles de N’Djaména ou Moussoro. Mais aucun des parents du président Idriss Déby Itno, de loin grands pilleurs de l’Etat et nouveaux émirs argentés du pays, ne sera inquiété. Ainsi un certain Zakaria Idriss Déby Itno peut, par sa gestion singulière, calamiteuse et dispendieuse des ressources, mettre en faillite la compagnie aérienne nationale, Toumaï Air Tchad, sans que des comptes lui soient demandés. Et pousser l’outrecuidance à quitter l’oiseau en perte de vol pour atterrir au cabinet de son paternel de président ! Ou plutôt à en rester le pilote qui se ménage un poste d’atterrissage et de refuge au cabinet de son géniteur. Lequel ordonne simplement que le gouvernement renfloue les comptes déficitaires de la compagnie pour lui redonner de nouvelles ailes, les anciennes étant déclarées non sécurisantes. Pourquoi les siens ne doivent-ils pas rendre compte de leur gestion ? Sont-ils plus Tchadiens que les autres ? Atterrant et déconcertant… !

Ceci d’autant plus que la pratique semble, au contraire, encouragée, les voleurs et pilleurs de la République étant les plus promus. Au point où aujourd’hui, des plus jeunes aux plus grands, les Tchadiens n’aspirent qu’à accéder à un poste « juteux  » pour piller et détourner en toute impunité. Cela va sans dire, comme une gangrène, ce vice a gagné toute la société tchadienne. Avec cette différence que ceux, encore que mollement punis, pour illustrer le discours folklorique de l’assainissement public, sont les Tchadiens de second rang, ceux non Zaghawa. Comme quoi les règles sont faites pour ne s’appliquer qu’aux Tchadiens non parents du président. Ainsi la fin de la kermesse du désordre ou de l’impunité ne concerne que ceux-ci. Les Tchadiens n’ont jusque-là pas compris que les discours de Déby ne sonnent en bien que pour ses parents. Il en est encore le cas quand il prêche une certaine « renaissance » qui de fait est plutôt Zaghawa que nationale. Car dans son imaginaire et celui de ses parents, ils doivent renouer avec le temps des privilèges dans la cour des princes du Ouaddaï et du Kanem-Bornou dont ils étaient les supplétifs. Privilèges qui leur permettaient de contrôler le commerce de tout, du Sahara au Kordofan soudanais. On en est à constater que tout semble verrouillé à leur compte pour réaliser ce rêve de « renaissance Zaghawa », toutes les ressources de l’Etat pouvant être pillées par eux à cet effet.»»

Pour la petite histoire, le gouvernement et le parlement acquis à sa cause évitent, chacun, d’initier une loi contre l’enrichissement illicite et les biens mal acquis parce qu’elle ne toucherait en partie que les parents du président qui, à tour de bras, construisent des villas et immeubles à 500 millions ou 1 milliard de nos francs. La corruption n’est pourtant qu’un pan du problème et il faut ajouter au dispositif une loi contre ceux dont le train de vie et les investissements ne reflètent pas leurs salaires. Jamais pouvoir n’aura été aussi partisan dans l’histoire du Tchad ! Ce qualificatif qui aura valu à l’actuel communicant du Palais rose, ancien rédacteur en chef de N’Djaména Bi-hebdo, un passage à tabac, est plus encore vrai aujourd’hui que par le passé. Le pillage et le détournement des deniers publics ont donc encore de beaux jours devant eux…

Les auteurs de crime ne sont pas non plus au ban de la société béri. Aussi jouissent-ils, sous le pouvoir d’Idriss Déby Itno, plus que sous aucun autre précédemment, de l’impunité. Il n’est pas besoin, pour l’étayer, de rappeler les crimes et assassinats de tout ordre dont les auteurs, connus ou non, courent toujours… jusque dans les allées du pouvoir ! La République s’est même forgé un vocabulaire tout taillé pour les excuser et empêcher toute enquête criminelle : acte de bavure, crime crapuleux. Lequel vocabulaire rappelle à notre bon souvenir un certain monsieur « bavure », ex-tout-puissant ministre de l’Intérieur. Pis, comme la punition ne s’applique qu’aux autres, le prix du sang, la « diya  » a été élevée au rang de moyen républicain de coercition pour faire payer lourdement les auteurs d’acte de sang ou d’accidents mortels autres que Zaghawa qui, à l’inverse, ne payent pas grand-chose à leurs victimes d’autres communautés. Le prix du sang, la « diya » ou l’exil du criminel, moyens pour mettre un terme à la vendetta [Tubiana ; 1985 ; 179][4], s’imposent depuis à la justice républicaine. Ce qui se passe dans les cours de nos tribunaux l’atteste et dépasse simplement l’entendement.

Outre l’impunité qu’ils illustrent, ces rites répréhensibles, à travers l’alliance avec des bandits, traduiraient, chez les Zaghawa, une fonction politique : l’acceptation d’un personnage qui se met en marge de la légalité.

On comprend mieux pourquoi le pouvoir d’Idriss Déby Itno s’accommode bien des personnages sans scrupules qui courent les allées de son règne. Comme on le constate, le Tchad aurait évité cet énorme gâchis s’il était dirigé selon les normes de justice, de droit et de mérite qui caractérisent un Etat moderne impartial. Hélas, l’avènement d’Idriss Déby Itno au pouvoir en décembre 1990 a causé une cassure dans la continuité laborieuse de l’Etat impartial. Lequel est désormais supplanté par un « sultanat » Beri dont les us, mœurs et coutumes ont été transposés, en pratique, à l’échelle nationale et impriment dangereusement la marche d’un Etat devenu partial et injuste. Cela, avec la complicité d’une élite inféodée issue d’autres communautés, du sud comme du nord, qui, pour les miettes de la mangeoire, a donné de sa matière grise pour asseoir et pérenniser cette féodalité des temps modernes. De Mahamat Hissein à Nagoum Yamassoum, en passant par Mahamat Saleh Ibet, Mahamat Saleh Adoum, Kassiré Coumakoye, Guelengdouksia Ouaïdo, Mahamat Saleh Annadif, Emmanuel Nadingar, etc., ils sont nombreux à devoir se sentir responsables d’un tel recul.

A moins de revenir aux règles républicaines de l’Etat moderne, on ne voit pas comment la moralisation de la vie publique, clamée à cor et à cri, peut être possible dans ces conditions.

Sinon, l’on court droit dans le mur, vers l’implosion. Que l’on ne se méprenne pas, la militarisation à outrance du pouvoir, aux frais du contribuable, la reddition de toutes les rébellions aux confins du pays et la « bab-el-aziziation » du Palais rose tout au long du fleuve Chari, refrénée heureusement par les ambassades des Etats-Unis au sud et de France au nord, n’y feront rien. Après 40 ans de règne, Kadhafi et ses affidés ont quand même dû, comme des rats, s’effacer de la scène libyenne… Au sein de cette jeunesse pourrie par l’implémentation de l’Etat immoral et voyou, il y en a qui restent conscients des enjeux immédiats et globaux, prêts à porter le «  printemps » tchadien…

 

Tribune publiée sur le site Agoravox par Maxwell N. Loalngar

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[1] Tubiana, M-J., 1985, Des troupeaux et des femmes : mariage et transfert de biens chez les Béri (Zaghawa et Bidéyat) du Tchad et du Soudan, Paris, éd. L’Harmattan

[2] « Ambata », ainsi appelle-t-on ce bandit chez les Zaghawa, selon JM Tubiana

[3] HAGGAR, Bichara Idriss, 2003, Tchad : témoignage et combat politique d’un exilé, éd. L’Harmattan, Paris.

[4] Le prix du sang permet d’éviter la vengeance, au même titre que l’exil d’un meurtrier et de sa famille, chez les Zaghawa. P.179


Tchad : le cercle vicieux des processus électoraux sans démocratie

Les chefs d’Etat tchadien, Idriss Deby Itno, au pouvoir depuis 26 ans, congolais, Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis 32 ans, djiboutien, Ismaïl Omar Guelleh, au pouvoir depuis 17 ans, avec sa famille depuis 39 ans, ont été « réélus », « sans surprise », au premier tour, selon les versions officielles. Vingt-six ans après la fin de la guerre froide et l’introduction du multipartisme, il reste convenu de faire comme si l’organisation d’élections était un critère suffisant de démocratie en se contentant d’émettre quelques réserves.

Ces trois chefs d’Etat n’ont pas été « réélus », et ils n’avaient d’ailleurs jamais été « élus » véritablement. Les régimes issus des partis uniques des années 80 se sont maintenus. En 2016 encore, les processus électoraux ont été détournés, comme les précédents. Le traitement de l’information au niveau international semble aussi « sans surprise », faute de considération pour les processus électoraux d’un point de vue technique. Les élections en dictature en Afrique sont toujours présentées selon la version de la communication officielle des Etats, en introduisant une seconde version apparemment dialectique mais reléguée au second rang, comme si en Afrique, la réalité du vote des électeurs, n’existait pas.

La nature du régime détermine la crédibilité du processus électoral. Mascarades électorales et dictature sont liées, comme processus électoraux corrects et démocratie sont liés. Il ne s’observe pas de présidentielles correctes en ‘dictature’, sans une ‘transition vers la démocratie’ préalable. Deux exceptions en 25 ans en Afrique, deux cas d’alternances acceptées par des ‘dictateurs’, le 7 décembre 2000 au Ghana, et, le 27 décembre 2002 au Kenya, le confirment. L’absence de processus électoraux corrects, entre autres, définit la dictature : si une élection correcte était organisée, le régime tomberait, sans pouvoir survivre à une alternance. La qualité des processus électoraux dépend beaucoup plus de la nature des régimes, que des données observables sur ces processus électoraux, mais, l’essentiel de ces processus électoraux se joue aussi en amont des scrutins en fonction du contexte. L’inversion finale du résultat d’une élection est la conséquence de l’ensemble d’un processus détourné.

Bien que la nature du régime, si elle est non-démocratique, ne permette pas en pratique d’atteindre une qualité de processus électoraux suffisante pour générer des alternances, la qualité partielle des processus électoraux détermine la suite d’un processus de démocratisation et l’évolution d’un équilibre de l’Etat de droit. Par exemple, la manière d’inverser le résultat de présidentielle, peut déterminer en partie le déroulement de législatives et un futur équilibre entre partis d’opposition. Un progrès dans la qualité des processus électoraux reste essentiel même en l’absence d’alternance. A ce niveau, les trois présidentielles affichent plus de régression que de progrès.

La qualité d’un processus électoral dépend de la nature du régime, d’un historique, du contexte et se juge en fonction de sa réalisation pratique, selon des étapes. Le 24 avril 2016, a eu aussi lieu en Guinée Équatoriale, un autre scrutin dans un contexte non-démocratique et ce scrutin a été boycotté par toutes les oppositions réelles, au contraire du boycott partiel qui a eu lieu à Djibouti. Le processus électoral équato-guinéen est en dessous de toute norme démocratique et ne donne pas lieu à interprétation sur une quelconque crédibilité. Les processus électoraux congolais, djiboutiens et tchadiens font, eux, l’objet d’une prise en compte dialectique.

Ces trois processus électoraux comportent des irrégularités qui participent à la modification de résultat final. Ils comportent un point commun principal, le trucage des résultats du premier tour, pour placer le président sortant au-dessus de 50%. Les présidents habitués des élections fraudés ne supportent pas les seconds tours qui risqueraient de les mettre face au regard des media et diplomates internationaux et face à la possibilité d’une normalisation du processus électoral.

Au Tchad, après le premier tout le 10 avril, le 22 avril, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a annoncé un score de 61,56% au premier tour pour Idriss Déby confirmé à 59,92% le 4 mai par la Conseil constitutionnel. Selon les candidats de l’opposition, un maximum de fraudes se sont déroulées dans les régions du Nord: «disparition (puis bourrage) de centaines d’urnes et de milliers de procès-verbaux (puis trucage), … trafic de cartes d’électeurs » qui s’ajoutent aux défauts du fichier électoral contenant mineurs et étrangers. Dans les régions du Nord, les délégués de l’opposition ont été chassés par les militaires et le MPS. Les scores y ont été montés entre 92 et 95% malgré l’évidence de la défaite d’Idriss Déby dans certaines villes et régions. Au Sud, la population et les partis ont, en partie, réussi à empêcher les fraudes.

Le 29 avril, 5 candidats d’opposition parmi les principaux ont annoncé des résultats nationaux à partir des Procès verbaux dans 9 régions : « Saleh Kebzabo (UNDR) : 33,15%, Laoukein Kourayo Mbaiherem (CTPD) : 25,82 %, Mahamat Ahmad Alhabo (PLD) : 14,89%, Idriss Deby Itno du MPS : 10,10 % », en précisant que si Idriss Déby avait 100% dans les 13 régions du Nord, alors en fonction des Procès verbaux au Sud, son score ne serait au maximum que de 42,12%. Malgré de légers progrès dans le processus électoral, au niveau du fichier électoral, le processus électoral reste hors des normes démocratiques. Les cinq candidats ont en vain demandé l’annulation du vote au Conseil constitutionnel.

Lire la suite sur===> Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique


Tchad: Après les élections, les tchadiens se préparent à la guerre

Au Tchad, le Conseil constitutionnel a approuvé le 3 mai, la réélection du président tchadien Idriss Deby, au pouvoir depuis 26 ans. Lors du scrutin du 10 avril, plus de la moitié de la population s’est présentée aux urnes pour élire pacifiquement leur futur président, et ce dans l’espoir de changer leur quotidien.

Sans grande surprise, Idriss Deby est déclarée vainqueur dès le premier tour par la CENI, malgré les nombreuses et graves irrégularités. A vrai dire, depuis plus de 50 ans de guerre civile et de conquête du pouvoir par les armes, cette élection apparait comme la première véritable expérience démocratique, qui a vu des tchadiens, y compris les militaires, braver le pouvoir en place par leur vote. En volant le suffrage des tchadiens, Idriss Deby leur a transmis ce message clair : le pouvoir ne se conquiert pas par les urnes mais bien par les armes !
D’abord la « célébration armée » des résultats provisoires du 22 avril en est une simple illustration.

Ensuite, selon les témoignages, Idriss Deby et son clan ont mis sur pied deux milices tribales au Nord-est, dans la région de l’Ennedi-Est. Selon les villageois, ces miliciens parlent l’arabe Soudanais du Darfour ; mai ils signalent aussi le passage de convois d’armes venant du Soudan en direction du nord ouest, vers la frontière Niger-Libye.

D’autres sources soudanaises confirment la présence des groupes armés au Soudan, mais qu’il s’agirait plutôt des réseaux de passeurs djihadistes de l’Etat islamique, qui circulent entre la Libye et le Soudan. Enfin, l’arsenal militaire déployé dans la capitale après les résultats du vote n’a laissé personne indifférent. Les jeunes  »zoulou » ont eu plusieurs concertations lors des sorties entre jeunes du clan sur l’idée d’une révolte citoyenne de masse contre eux. En cas de guerre, ils ne peuvent se refugier et se défendre que chez eux, en raison des bonnes relations avec le Soudan et de la présence militaire française dans le Nord, empêchant toute offensive venant de la Libye ou du Soudan.

La grande inquiétude reste du Sud et cela pour deux raison:

D’une part, le nouveau Président centrafricain est un électron libre et Deby n’a aucune emprise sur les nouvelles autorités centrafricaines. Avec le désordre en Centrafrique et le retrait progressif des soldats français, la RCA pourrait facilement favoriser une rébellion et représenter une menace sérieuse contre le régime. Et Deby le sait bien : un probable « septembre noir » aura un effet de cataclysme sur les dignitaires de cette région qui supportent à bout de bras le régime et la marche vers N’Djamena ne sera qu’une question d’heures. C’est pourquoi, après avoir annoncé la création d’un Etat au Nord-est de la RCA, Nourrain Adam, l’ex homme fort de la Seleka et bras droit de Deby, a été convoqué et sévèrement réprimandé par Deby.

Pour attirer l’attention et la sympathie de la Communauté internationale, il a été envisagé de faire croire que des éléments armées d’armes blanches a l’image des anti balada, se faisant passer pour des éléments pro-opposition, appellent a une guerre civile musulman-chrétien. Inquiet, les leaders de l’opposition se sont déplacés précipitamment à Moundou pour démentir leur implication dans un tel projet.

D’autre part, l’opinion nationale est plus que convaincue que la dictature qui les opprime est soutenu et maintenu par la France. Ce soutient freine par ailleurs toute avancée démocratique et de développement dans le pays. Désormais, il est clair pour la jeunesse désespérée du Tchad, que pour chasser Deby, il faut s’attaquer aux intérêts français. Surtout lorsque les militaires Français attaches a la présidence ne dissuadent ni ne dénoncent la disparition des militaires ayant voté contre Idriss Deby, se rendant ainsi complice, comme le 03 février 2008, ou des dizaines de tchadiens ont disparu sous leurs yeux.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Analyste indépendant, activiste politique


Tchad: la malédiction du lait d’ânesse

Depuis quelque mois, on observe une recrudescence des violences verbales sur les réseaux sociaux parmi les jeunes Tchadiens. Étonnamment, celle la plus utilisée ne vise pas les humains mais plutôt les ânes qui en paient le prix.

On entend souvent répéter dans les vidéos ou les commentaires, une reproche qui pour beaucoup de nos compatriotes  de la zone tropicale est assez surprenante. Nombreux sont les lecteurs qui s’interrogent sur le méfait de boire le lait d’ânesse.  Il est tout à fait incompréhensible et inadmissible d’en vouloir à une groupe de personne par rapport à ce qui se trouve sur leur assiette ou contient leur verre. Comme il est tout à fait absurde de se faire un jugement sur la base de la religion, de la culture ou du langage.

Buveur de lait d’ânesse. Mais qu’est ce que cela veut dire au juste? 

Le Tchad est un pays très vaste. Un carrefour de culture, de tradition et de civilisation. L’élevage et le commerce sont les activités principales des peuples sahariens et sahéliens. La survie de ces peuples est grâce au bétail et aux animaux qu’ils élèvent. C’est en même temps une source de richesse, de gloire et un repli d’identification.

Si certains préfèrent l’élevage des moutons, des chevaux, des vaches ou des chameaux, d’autres préfèrent tout simplement l’élevage des ânes. Cela semble être bizarre pour certains. Mais en vérité, il y a rien de tel. On peut ainsi prendre pour l’exemple l’idée que se fait l’éleveur nomade à l’agriculteur sédentaire ou à l’activité de la pêche. L’Être humain est conditionnée selon l’environnement qui l’entour.

Les bienfaits du lait d’ânesse

Le lait d’ânesse est le lait le plus proche de celui de la femme. Il est très nutritif car il contient plus de lactose et moins de matières grasses que le lait de vache.

On raconte que Cléopâtre, reine d’Égypte antique, prenait des bains de lait d’ânesse pour entretenir sa beauté et la jeunesse de sa peau. La légende dit qu’il ne fallait pas moins de 700 ânesses pour lui fournir la quantité de lait nécessaire à ses bains quotidiens.

C’est également le cas de Poppée, seconde épouse de l’empereur romain Néron. Elle croyait que le lait d’ânesse efface les rides du visage, rend la peau plus délicate et en entretient la blancheur. Elle s’en faisait même des bains et pour cela elle avait des troupeaux d’ânesses qui la suivaient dans ses voyages. Mais pour entretenir la beauté il faudrait se laver avec et non le boire comme le cas dans certains régions au Tchad.

En Afrique dans la partie tchadienne de la zone soudano-sahélienne, des tribus continuent toujours à l’élevage des ânes. Cette activité est pratiquée durant des générations en générations. Une ânesse peut donner jusqu’à environ trois à six litres de lait par jour. De quoi avoir un stock d’eau permanent en peine désert.

Le poids de l’islam

Comme la plupart des religions, l’islam contient un certain nombre de prescriptions alimentaires. L’islam est formelle en ce sens. Il est interdit de manger la viande de l’âne ainsi que de boire son lait. Dans certains société non musulmane au Tchad, l’âne est le symbole du malheur et de la malédiction. Chez d’autres tribus en Afrique, boire le lait ou manger la viande de l’âne rend bête. Chacun vas de ses croyances et traditions.

Ainsi, je pense apporter de réponse aux multiples questions que se posent certaines internautes  du reproche que se font les jeunes sur le buveur du lait d’ânesse. Si chez certains cella s’inscrit dans le cadre religieux, celle-ci n’en est pas plus que l’alcool, et autres interdit de l’islam.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjnai
Mondoblogueur