Le procès Habré : un événement historique parmi tant d'autres

Le lundi 20 juillet c’est ouvert le procès historique de l’ancien président tchadien Hissène Habré à Dakar. L’ancien président est jugé par les Chambres africaines extraordinaires (CAE) pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. Au premier jour de son procès qui s’est déroulé dans un climat tendu, Habré a comparu de force. Il a traité les magistrats des CAE de traîtres et a refusé de parler. Après des échauffourées, le procès a été reporté au mardi 21 juillet. Les avocats de Habré ont décidé de boycotter l’audience à la demande de leur client. Le président des Chambres africaines extraordinaires d’assises a alors désigné trois avocats sénégalais pour l’assister. L’audience a été ajourné au 7 septembre pour permettre aux avocats commis d’office de prendre connaissance du dossier.

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Hissène  Habré («the quintessential desert warrior»), « Le guerrier du désert par excellence » ainsi était surnommé l’ancien président dictateur tchadien par la CIA. Il vivait en exil au Sénégal depuis sa chute en 1990.
Il lui est reproché la mort de 40 000 personne sous la répression de son régime entre 1982-1990.
Il doit être jugé pour « crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture». L’accusé  risque entre 30 ans de prison ferme et les travaux forcés à perpétuité. Il pourra purger sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l’Union africaine. Il ne sera pas gracié ni amnistié, sauf en cas d’amendement de l’Union africaine. Par ailleurs, une fois sa culpabilité établie, Habré ne peut faire appel que sur ses intérêts civils.

On l’appelait « le Lion », « Boss » pour les intimes était une personnalité sombre, un individu profondément cyclothymique et indiscutablement mégalomane, despotique au point de ne tolérer ni contradiction ni discussion. Il pouvait être tour à tour, souriant et affable, froid et impérieux, cynique et sarcastique, ou gonflé de rage. On dit qu’il a été un président impitoyable, un chef de guerre paranoïaque et un redoutable stratège. Bref, un fou meurtrier.

Pour bien comprendre cette partie sombre de l’histoire du Tchad je vous invite à voyager aux confins de l’histoire politique, des guerres et des conflits ethniques pré-coloniaux et post-coloniaux du Tchad. Comprendre les clivages ethniques et confessionnels et les enjeux culturels qui nous permettront d’aller bien au-delà d’un simple procès, mais aussi rectifier certains fausses idées reçues. Les événements politico-militaires et l’obsession sécuritaire du temps de ‘Habré ne sont que la partie visible de l’iceberg.

 

Le Tchad pré-colonial

Si aujourd’hui à tort ou à raison, les Tchadiens sont vus comme des machines de guerre, des personnes impulsives et avides de combat, c’est parce qu’ils ont été maintenus dans une grande ignorance. Ils ont été nourris de mensonges érigés en valeurs culturelles par le pouvoir politique.

Le Tchad est un assemblage de territoires. Avec l’arrivé de l’impérialiste français,trois grands empires le composent actuellement. Il s’agit de l’Empire du Ouaddai, l’Empire de Baguirmi et l’Empire du Kanem. Dans ces empires, les hommes sont soumis à une socialisation militaire permanente. Ces empires en guerre les uns contre les autres, menaient des razzias aux ethnies du Sud et du Nord – considérés comme des espaces non islamisé. Ils les capturaient, les vendaient ou   les employaient comme des esclaves. Les pratiques de l’esclavage étaient banalisées, considérées comme principal mode de création de richesse.

La guerre, le massacre au Tchad et la mentalité violente que l’on observe chez une catégorie des Tchadiens datent depuis le temps pré-colonial. La guerre obéissaient non seulement à une logique de conquête mais aussi d’humiliation. L’objectif n’était pas le pillage mais la défaite de l’armée ennemie et la confiscation des revenus de l’empire vaincu. Le Baguirmi et le Ouaddai s’affrontent dans une guerre de cent jusqu’au XIXe siècle.

Mais contrairement aux idées reçues, l’islam venu du Maroc et de la Cyrénaïque était prôné au Tchad par des peuples négro-africains. L’arabe devient une langue véhiculaire d’une part du fait de l’islam et d’autre part surtout du commerce des esclaves entre les empires et les marchants arabes venus du Maghreb et du Soudan. Cependant les ethnies ou sous-ethnies refusant l’islam sont combattues, chassées de l’empire, interdites d’alliance.  ils sont connus au nom de Hadads qui souvent sont des guerriers et fondateurs du royaume. Une diabolisation des Hadads qui s’est par le temps érigé en enseignement culturel et traditionnel assimiler souvent à des esclaves dans la société tchadienne (même actuel).
Aussi l’expression «nord-musulman» n’a aucune réalité concrète car le nord du Tchad caractérisé par le B.E.T a été pendant toute l’histoire le champs de razzia de l’empire du Ouaddai, du Kanem et de la Sanoussia une confrérie soufie en Cyrénaïque (actuel Libye) composé des tribus arabe allié des Ouaddaeins.

A l’aube de la colonisation, un autre marchant d’esclave s’impose dans la région. Rabah Fadhallah un aventuriste considéré a tord islamiste était en revanche chassé du Soudan par le célèbre révolutionnaire soudanais Abdallah Al-Mahdi, un chef politique religieux soufi qui a vaincu les colons Turcs et Britanniques pour libérer et accéder à la tête du Soudan.

La bataille de Kousséri dans laquelle Rabah trouva la mort a lieu entre les soldats français de différentes colonnes dirigé par le commandant Lamy  et renforcés par de supplétifs baguirmiens, et l’armée de Rabah. Cette victoire marque le début de la conquête colonial de l’actuel Tchad par la France.

 

Le Tchad post-colonial

Pendant que les Britanniques battaient de l’aile au Soudan, les colons français soutenus par les baguirmiens et les populations Sud, bien formés et mieux armés ont déchus à tour de rôle toutes les résistances. D’abord l’Empire du Ouaddai s’inspirant de la révolution soudanaise d’Al-Mahdi, est battue en 1909 provocant une vague migratoire massive vers le Darfour,puis le Dar-Sila, allant jusqu’au Nord au Senoussia, le Kamen, et le Baguirmi. Ainsi s’achève une épisode de l’histoire ravagé par des conquêtes et des razzia. Pour imposer des nouvelles formes de violence basant sur l’injustice, la ségrégation, le conflit d’intérêt, l’égoïsme, l’ignorance, le néocolonialisme, le terrorisme et autres formes ludiques que j’aborderai dans la seconde partie dans un prochain article… A suivre

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Activiste politique, analyste indépendant

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