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Viol, séquestration et harcèlement le quotidien de la femme Tchadienne

«On ne naît pas femme : on le devient», disait l’audacieuse Simone de Beauvoir. Cette citation controversée prend tout son sens aujourd’hui au Tchad. Dans mon pays, des femmes existent bel et bien. Mais des femmes qui naissent uniquement femmes, et n’osent que rarement le devenir en imposant leur personnalité féminine à une société profondément machiste et phallocrate.

Non, pire encore, une société qui trouve plaisir à mépriser, violenter et violer des femmes fragiles et sans défense. Je ne suis victime d’aucune manque d’amour. Je suis victime d’abord de l’indifférence et du silence complice de ces femmes et jeunes filles tchadiennes qui restent les bras croisées face aux violences dont sont victimes leurs congénères et leurs compatriotes du même sexe. Il est devenu coutume au Tchad, malheureusement,  d’écouter lors de ragot qu’une telle fille a été battue à mort, ou violée, kidnappée et abusée par plusieurs hommes à la fois. Des faits divers isolés ? Non, depuis deux décennies, les viols collectifs et le harcèlement sont les quotidiens de nos filles, sœurs, mères et épouses. A l’École, au lycée, dans les universités, au travail, au marché, partout ce sont les mêmes personnes. Connus des autorités et crainte de la société. Le sujet est un tabou sacré qui ne suscitent étrangement aucun débat de société. Le poids de la coutume et de la religion pèsent de tout leurs poids.

Des phénomènes qui témoignent d’une inquiétante montée en puissance des violences faites aux femmes. Mais ces mêmes Tchadiennes, pourtant les premières victimes de ce fléau, n’opposent presque aucune résistance et laissent faire les violeurs, les hommes violents, sans tenter de se mobiliser pour casser les tabous et obliger le législateur à sévir contre ces hommes lâches qui évacuent leurs frustrations en agressant à la moindre occasion voisines, sœurs, collègues ou épouses. Aucun profil n’est épargné dans ce prototype. Marié ou célibataire, adulte ou adolescente, cadre ou analphabète, le viol est le moteur de la sexualité au Tchad. La femme est perçu pas plus qu’un objet sexuel.

N’en déplaise à certains et certaines, je n’exagère nullement et ma colère est justifiée. Le récent drame, date du 8 février 2016 lorsqu’une jeune lycéenne âgée de 17 ans a été enlevée devant son lycée, séquestrée et violée par sept individus (tous proche du regime) dans une petite piece délabrée, en argile, dans le 1er arrondissement de la capitale tchadienne, Farcha. Piégée par une amie à elle, après qu’elle s’est faite violée, la jeunes lycéenne Zouhoura s’est retrouvée à jouer le rôle de l’objet sexuel pour satisfaire les bas instincts de son ravisseur et ses six (6) acolytes. Aucune association de défense des droits des femmes à dénoncer cet l’horrible crime.

Révoltant et incompressibles,  les ravisseurs  filment et publient les photos de leur forfaiture sur les réseaux sociaux, pour mieux humilier leur victime. Oui, pour mieux humilier la victime. Non seulement c’est un acte prémédité mais aussi une fierté. Pour certains, il y a de quoi voir une marque de bravoure.
Ce crime abominable n’a suscité l’intérêt de la police et des autorités qu’une semaine après. En attendant certains ont quitté le territoire et d’autre se sachant intouchable  promenaient fièrement dans la ville en tout impunité.

Face au torrent qu’a provoqué cette vidéo sur les réseaux sociaux, le ministre de la sécurité était obliger de réagir. A l’absence du père en France, le ministre força la jeune fille sous le choc du traumatisme de lire un texte à la télévision nationale annulant une marche pacifique organisée par les internautes Tchadiens à N’Djamena et innocentant deux des accusés présumés pourtant clairement identifiable sur la video du crime. Le père terrifié par la nouvel à la télé, à vivement réagit lors d’une interview accordé au telephone à un activiste de la société civil.

https://www.youtube.com/watch?v=hAACPmX8iXM

Aucun collectif de femmes à lancer un appel à la mobilisation pour investir les rues et réclamer une réponse sévère contre ce crime, qui a visé d’abord et avant tout une femme parce qu’elle est femme ? Non, rien. Où sont-elles, ces associations et Unions de Femmes dont on entend uniquement parler un certain 8 mars ? Où sont-elles lorsqu’une de leur compatriote se font torturer ? Dans un autre pays digne de ce nom, une telle horreur aurait scandalisé toute la société. Les femmes auraient assumé leurs responsabilités en se rassemblant devant des ministères ou institutions publiques, pour réclamer des mesures concrètes afin de lutter contre cette misogynie ambiante.

Dans d’autres cieux doté de bon sens, les femmes conscientes et fières de leur féminité ne se serait pas contentées de lire ce drame dans les rubriques des faits-divers sur les réseaux sociaux, de changer de prénom ou la photo de leur profil  Facebook, ni encore de publier de photo. Ce n’est ni le premier ni le dernier des drames qui touche à l’honneur et la dignité de la femme tchadienne.

En Mars 2012, Chongoye  Hissein, 24 ans, a subi un traitement horrible et cauchemardesque de la part de son mari à Faya Largeau dans le département du Borkou. Elle a été torturer horriblement à l’aide d’une hache et d’un couteau. Elle a subi un ablation des deux (2) oreilles et de la partie supérieure du nez, multiples blessures aux deux avant bras, fracture de l’os du crane ainsi que rasage de la moitié des cheveux. Une tragédie qui a ému le pays, mais n’a pas suffi pour voir nos femmes se mobiliser et occuper l’espace public afin de dire stop à cette violence inouïe. Il ne se passe plus un jour sans qu’une tchadienne ne soit harcelé, battue, violée ou assassinée. Mais ces victimes ne bénéficient d’aucune solidarité de leurs compatriotes femmes.

Plus encore de ces hommes violent et impuissant, les imams fanatiques ou les autorités incompétentes et complice, de nombreuses tchadiennes banalisent elles-mêmes ces violences et ces drames.

«Allah yastour» ne se conjugue qu’au féminin dans ce pays. Certaines farceuses traîtresse de la valeur féminine organisent des festivités qui frisent l’indécence  auquel elles débitent des belles paroles dans une salle climatisée et confortable. Mais dans la rue, les places publiques, ces mêmes femmes fuient toute confrontation avec une société qui se défoule sur les faibles pour oublier ses angoisses.

La liste des viols collectifs au Tchad est très longue. Deux sur trois des Tchadiennes sont concernées. Dans une société minée par les tabous, les victimes subissent silencieusement les séquelles morales, sociales et psychologiques du supplice subi. Pis encore, certaines victimes reconnaissent qu’elles ont culpabilisé et pour dépasser leur traumatisme, elles se jettent dans la prostitution ou se rebelle des mœurs de la société pour une vie de libertine. Elles croient y trouver refuge, à défaut d’une prise en charge et d’une assistance adéquate.
Une société est d’abord composée des hommes et des femmes. Si ces dernières y naissent mais ne deviennent point, les hommes eux, n’y naissent-ils ou pas?

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Activiste

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