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Les tchadiens ont mordu l'hameçon !

Depuis l’intervention du Tchad au Mali, le pays s’est imposé sur la scène internationale. C’est du moins ce que l’on peut dire. Généralement, les pays du tiers-monde ont du mal à faire parler d’eux. A part qu’ils occupent les derniers des classements en matières des développement et des valeurs démocratiques ou les premiers en matières des tous les maux qui gangrènent cette planète: pauvreté, injustice, corruption, épidémie, etc. Il est très rare que l’on parle de bien sur le Tchad. Surtout à l’échelle l’internationale.

Cependant, son intervention au Mali à fait le tour du monde. N’djamena était devenu le Washington de l’Afrique. Il a même volé la vedette aux États-unies dans la guerre contre le terrorisme. Ce que les américains et les membres de l’OTAN n’ont pas pu faire depuis plus de 20 ans en Afghanistan et aujourd’hui en Irak, le Tchad a réalisé en seulement quelque mois au Mali et maintenant peut-être au Nigeria.

Mais derrière cette puissance de façade, les autorités tchadiennes largement acclamées par des soi-disant académiques, universitaires et intellectuels tchadiens derrières des slogans creux et des discours déshonorables, nous prouvent une fois encore de plus que les intelligences ne fonctionnent plus dans ce pays. Que ceux qui se glorifient de leurs parcours et de leurs diplômes, ne sont en revanche que des diplômés avec des attestations d’ignorance.
Du Mali, les militaires tchadiens au service d’Idriss Deby se retrouvent les premiers et presque les seuls au front au Nigeria contre Boko Haram. Comment un pays peut prétendre au statut de puissance régionale lorsqu’il ne possède aucun moyen lui permettant de jouer ce rôle?

L’implication du Tchad dans la crise du Mali a constitué certes un changement majeur vers une rhétorique officielle beaucoup plus volontariste dans le sens de l’affirmation d’un certain leadership et surtout pour consolider le pouvoir de Deby notamment. Fraîchement élu, le Président Hollande avait d’abord considéré le Tchad comme l’un des pays que le déficit en termes de démocratie et de droits de l’Homme ne prédisposait pas à un approfondissement des relations avec la France. Le revirement de l’Hexagone sur le dossier malien, où Paris a requis la contribution du Tchad, a été perçu par N’Djamena comme un acte de légitimation que sa diplomatie a intelligemment utilisé à son avantage.

Mais pourtant, le Tchad apparaît en bien mauvaise position pour ce qui est des ressources matérielles et idéationnelles et peut difficilement revendiquer un statut de leadership dans cette catégorie en Afrique centrale. Malgré la manne pétrolière, le Tchad reste l’un des pays les plus pauvres de la région incapable d’organiser un simple sommet de l’UA. Son PIB (12,88 milliards de dollars en 2012), est inférieur à celui des pays les plus importants de la sous-région (Angola, Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon et Guinée équatoriale), et son IDH (0,340) est aussi bien plus modeste que la majorité de ses pairs. En matière économique, le pays reste dépendant des taxes sur les compagnies de la téléphonie mobile et de l’exploitation du pétrole.

La fragilité structurelle est encore plus explicite dans la catégorie des ressources idéationnelles. La politique du regime au pouvoir n’est pas habile d’exporter des valeurs démocratiques et humanistes dans son environnement, a part celle de la honte et de la médiocrité.

Donc, N’Djamena a savamment déployé un réseau et des moyens diplomatiques pour se positionner comme interlocuteur incontournable en Afrique centrale. Après avoir obtenu la nomination d’un Tchadien au poste de Secrétaire général de la CEEAC, le hasard du calendrier a voulu que N’Djamena occupe la présidence de l’organisation au moment où la crise Centrafricaine battait son plein. Pour couronner le tout, le Tchad s’est fait élire en 2014 au Conseil de sécurité des Nations unies mais aussi au Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Seulement, cet usage de la diplomatie ne semble pas aller au-delà de l’ambition personnelle de M. Deby: Rester au pouvoir, rester… rester…

Si le Tchad joue le rôle du gendarme de l’Afrique, le statut de puissance régionale du Tchad ne l’est pas forcement, parce que la seule capacité de projection militaire ne suffit pas à accéder au statut de puissance régionale légitime et responsable. Récemment encore, le Tchad était considéré – au même titre que la RCA –comme l’enfant malade d’Afrique centrale. Même si le pays a su se stabiliser au point d’imposer sa tutelle à la RCA au cours des dix dernières années, cette stabilité ne repose pas sur des fondements suffisamment solides pour faire du pays un modèle que d’autres pays voudraient suivre.

Alors, même si le Tchad ou plutôt Deby se veut être coûte que coûte un acteur incontournable dans la région de l’Afrique centrale, son statut de leader n’est pas avéré dans la mesure où il ne repose en grande partie que sur sa capacité de projection militaire et le volontarisme personnel de M. Déby tiraillé à la fois entre une certaine volonté de puissance et les contradictions internes d’une société rongé par l’injustice et en proie à de nombreuses fragilités structurelles.

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani
Activiste politique, analyste indépendant

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