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Idriss Deby Itno: La réélection du mal

Après 26 ans au pouvoir, Idriss Déby est réélu pour un 5eme mandat. Durant tous ce temps, lui et son groupe ethnique se sont ingéniés à faire supplanter les normes d’un État normal par les us et coutumes de leur communauté tribale.

Cela s’appelle, dans le jargon prisé des chercheurs, « implémenter » ! Raillé, et avec lui son égérie de première dame, pour les fantaisistes titres de « doctor honoris causa  » à eux décernés, Idriss Déby Itno peut désormais se targuer d’avoir appliqué et généralisé les mœurs, us et coutumes Béri au Tchad entier. Donnant ainsi l’impression aux Tchadiens de vivre, non pas dans une jeune république plurielle tendant vers une nation, mais dans une république Zaghawa sortie tout droit de la féodalité. N’en déplaise à ceux qui se trompent des énormités fâcheuses, le pouvoir d’Idriss Déby Itno aura battu tous les tristes records dont cette implémentation, de loin le plus mauvais, qui consacre l’échec de la construction continue d’un Etat moderne. Les précédents pouvoirs, excepté la parenthèse anarchique du GUNT, ont œuvré, malgré leurs tares et avec les moyens de bord qui étaient les leurs – comparés aux énormes ressources disposées par le pouvoir MPS depuis 1990- à la difficile édification d’un Etat moderne et y ont préservé une marge nécessaire. Les décennies MPS auront servi, non pas à continuer cette œuvre en l’améliorant, mais à enterrer les acquis du jeune Etat tchadien. Lequel, depuis 1990, est voué à céder le pas à un Etat privé, insidieux, autrement plus féodal que moderne : celui des nouveaux princes Zaghawa qui ne font plus mystère de leur volonté de domination sans bornes sur le reste de leurs compatriotes et dont l’arrogance est sans commune mesure aujourd’hui.

Aussi péremptoire que cela puisse sonner, le Tchad républicain n’existe plus. De lui ne demeure que ce nom de baptême pour un « état » Zaghawa tenu par la parentèle des Itnos. Tout observateur, attentif et avisé de l’évolution cahoteuse du Tchad depuis l’avènement du MPS, aura noté la mise au pas de toutes normes républicaines d’Etat moderne. Lesquelles sont supplantées, au niveau institutionnel et plus largement, dans la vie politico-économique et socioculturelle du pays, par des règles féodales jadis en cours chez les peuples Béri des confins tchado-soudanais. Point d’élucubrations d’aigris, il faut convoquer quelques auteurs, essayistes politiques ou anthropologues, pour étayer ce que les Tchadiens expérimentent amèrement. De quoi ravir notamment une certaine Marie-José Tubiana dont les études sur le peuple Béri semblent ainsi généralisées par notre Itno national. Le Tchad, de 90 à aujourd’hui, donne, en effet, de la contenance à l’œuvre anthropologique de Marie-José Tubiana. Cette bretonne éprise du peuple Béri, nous donne éloquemment, dans « Des troupeaux et des femmes : mariage et transfert de biens chez les Béri (Zaghawa et Bidéyat) du Tchad et du Soudan »[1], une connaissance de nos princes d’aujourd’hui pour mieux comprendre la conduite de la destinée du Tchad entre leurs mains. Le titre de l’œuvre est assez illustrateur de ce qu’ils ont fait et font du Tchad jusque-là : le mettre sous coupe réglée, jouant de leurs liens matrimoniaux et ethniques pour s’accaparer le pouvoir et les richesses du pays.

Quand, les rezzous TGV du MPS fondaient courant novembre 90 sur la forteresse des FANT d’Hissein Habré pour la faire chuter le 1er décembre 90, les Tchadiens, euphoriques à l’idée d’être débarrassés de la dictature, ne se doutaient pas que la nouvelle ère promise était déjà chargée de désillusions. Sauf ceux qui savaient la nature et les mobiles des futurs maîtres à la tête d’un groupe à part qui s’est conjoncturellement allié aux autres (Mosanat, ex-FAP, etc.) pour forcer la porte du palais. Bien qu’ayant été toujours dans l’antre et l’ombre du pouvoir – de l’empire du Ouaddaï au royaume du Kanem-Bornou en passant par les pouvoirs postindépendance du Tchad- servant d’exécutants et de supplétifs aux princes, les Zaghawa sont restés un peuple à part tout en rêvant de l’entièreté du pouvoir. Leurs « difficultés et (…) réticences à s’intégrer dans un ensemble national », caractérisés qu’ils sont par « un irrédentisme toujours sous-jacent » [Tubiana ; 1985], ont contribué de fait à marquer leur mainmise sur le pouvoir – une fois l’objectif atteint- et creuser le fossé avec les autres composantes de la société tchadienne.

Tubiana, dans son œuvre qui privilégie «  l’alliance matrimoniale comme lieu de rencontre (…) de l’anthropologie de la parenté, de l’anthropologie économique et de l’anthropologie politique  » [Tubiana ; 1985 ; 355], nous donne une meilleure connaissance du peuple Zaghawa, permet de mieux saisir sa « complexe » articulation en « clans et lignages » ; une sorte de toile d’araignée qui semble tissée aujourd’hui sur tout le Tchad et donne du tournis aux Tchadiens agacés de les voir partout dans les rouages importants de l’Etat sans en présenter les compétences. De fait, structurant les jeux sociétal et politique, l’alliance matrimoniale est et reste, chez eux, l’indéniable moyen de transfert de biens. Au centre de tout et affaire de tous (père, mère, oncles, tantes, frères, sœurs, cousin(e)s, neveux et nièces), rendez-vous du donner et du recevoir, elle traduit dans les faits la solidarité familiale, étend ou renforce les liens communautaires. Les familles y acquièrent, accumulent ou grossissent leurs richesses. Aussi, tout bien appartenant à un des leurs et qui plus est au chef, appartient à toute la communauté qui peut en disposer comme bon lui semble. Ainsi le Tchad, sous Idriss Déby Itno qui ne fait rien pour qu’il appartienne à tous les Tchadiens, comme butin de guerre, est devenu leur bien exclusif. Par le fait du pouvoir, ils ont comme un sauf-conduit pour disposer de tout, de façon effrénée et en toute impunité. Il en est ainsi des fils et surtout neveux et nièces qui gravitent autour de leur père ou oncle de président. Chez les Zaghawa du Tchad, le rapport entre l’oncle maternel et son neveu est de loin le plus confiant pendant que chez les Zaghawa du Soudan, le rôle du père et de l’oncle maternel est indissociable. « (…) Si l’oncle est titulaire d’une position politique importante le neveu deviendra son homme de confiance, de préférence à ses propres fils », la croyance étant que ceux qui secourent l’enfant sont les frères de la sœur [Tubiana ; 1985 ; 243]. Mieux, ce sauf-conduit donne, par exemple, le droit au neveu de « s’emparer, en toute impunité, d’un certain nombre de bêtes dans le troupeau de son oncle » pour sa compensation matrimoniale. Les frères Erdimi auront ainsi été les éminences grises, ordonnateurs, dépositaires et « Raspoutine » du palais et du pouvoir. Ils auront disposé des sociétés d’Etat, de l’argent de l’or blanc et de l’or noir avant que leur grande envie du pouvoir les sépare de leur oncle.

Beaucoup d’autres Zaghawa, recyclés dans les affaires ou non, et qui roulent aujourd’hui carrosses, auront aussi disposé de toutes les ressources que leur confère le pouvoir tribal, clanique et familial. Les tout-puissants petits princes d’aujourd’hui jouent à fond leur partition de parvenus arrogants sans mérite. Les nièces ou sœurs, analphabètes, d’une ignorance et d’un obscurantisme maladifs, s’en donnent à « cœur-belliqueux ». S’autoproclamant transitaires attitrées de la République, installant leurs postes de douane parallèles, jusque dans la cour des douanes, elles arnaquent les autres tchadiens obligés de payer des droits hors normes et exorbitants. Aujourd’hui, comme achèvement de cette implémentation de leur anthropologie socio-économico-politique à l’échelle du Tchad et de l’Etat, ils sont à tous les postes « juteux » de la République et la plupart des sociétés ou entreprises sont entre leurs mains. Les postes de DGA de la plupart des succursales de banques étrangères au Tchad sont ainsi aménagés en partie pour eux. Qu’ils aient été instruits ou qu’ils soient d’illustres nullards ! Être Zaghawa étant un sauf-conduit suffisant et imparable !

Moyen de transfert de biens, l’alliance matrimoniale traduit aussi l’accommodation, par les Zaghawa, avec les pratiques répréhensibles. Le vol, le pillage, le crime, etc., sont, en effet, de loin des pratiques normales chez eux. Le bandit et les actes répréhensibles dans le monde moderne tels les razzias de bétail ou le rapt de jeunes filles ne sont pas condamnables chez les Béri. Ainsi, à défaut de pouvoir réunir les têtes d’animaux pour l’alliance matrimoniale, l’on opère des razzias de bétail dans ces contrées. Ces razzias, au-delà de la nécessité, constituent paradoxalement un fait d’héroïsme ancré dans les mœurs. Au point où les jeunes gens aspirant à l’union préfèrent organiser des expéditions pour voler du bétail chez les tribus ou ethnies voisines. « Les jeunes confèrent à ce genre de pratique un caractère héroïque et il suffit d’écouter les chansons des jeunes filles incitant les garçons au vol  » pour comprendre. Ce d’autant plus que « le voleur de chameaux n’est pas en rupture avec la société beri ; elle ne le blâme pas, au contraire. »[Tubiana ; 1985 ; 319]. Tous les moyens, répréhensibles soient-ils, sont bons pour accumuler les richesses et constituer la compensation matrimoniale. Même celle du bandit invétéré est reçue et acceptée. J.M Tubiana cite l’exemple du Mogdum Fodul qui donna en mariage une de ses filles à un bandit de grand chemin[2]. Condamné par la justice coloniale, ce genre d’individu est soutenu par la justice traditionnelle parce que « loin d’être au ban de la société, son courage, ses exploits aux dépens des populations étrangères et au profit de son groupe font de lui, au contraire, un personnage dont on veut rechercher l’alliance » [Tubiana ; 1985 ; 178]. Ceci semble un point non négligeable du système des « valeurs » Zaghawa. Il peut expliquer bien des comportements dans leur gestion des affaires publiques à un niveau plus large aujourd’hui. Bichara Idriss Haggar, intellectuel Zaghawa ayant occupé de hautes fonctions politiques et un des fils du patriarche Haggar, le confirme un peu. Il note que la razzia est une des activités favorites notamment du clan Biriyéra ou Biliat dont est issu le président actuel du Tchad : « C’est un groupe au sein duquel il existe un dédain de toute propriété d’autrui » et dont « les membres « tiraient gloire des vols au détriment d’étrangers » [Haggar ; 2003 ; 14-15][3].

Ceci expliquant cela, on comprend mieux pourquoi le pillage des ressources de l’Etat et le détournement des deniers publics sont impunis sous le pouvoir d’Idriss Déby Itno. Surtout quand ils sont le fait de ses parents Zaghawa. Tour à tour ou à la récidive, des barons du pouvoir auront connu les geôles de N’Djaména ou Moussoro. Mais aucun des parents du président Idriss Déby Itno, de loin grands pilleurs de l’Etat et nouveaux émirs argentés du pays, ne sera inquiété. Ainsi un certain Zakaria Idriss Déby Itno peut, par sa gestion singulière, calamiteuse et dispendieuse des ressources, mettre en faillite la compagnie aérienne nationale, Toumaï Air Tchad, sans que des comptes lui soient demandés. Et pousser l’outrecuidance à quitter l’oiseau en perte de vol pour atterrir au cabinet de son paternel de président ! Ou plutôt à en rester le pilote qui se ménage un poste d’atterrissage et de refuge au cabinet de son géniteur. Lequel ordonne simplement que le gouvernement renfloue les comptes déficitaires de la compagnie pour lui redonner de nouvelles ailes, les anciennes étant déclarées non sécurisantes. Pourquoi les siens ne doivent-ils pas rendre compte de leur gestion ? Sont-ils plus Tchadiens que les autres ? Atterrant et déconcertant… !

Ceci d’autant plus que la pratique semble, au contraire, encouragée, les voleurs et pilleurs de la République étant les plus promus. Au point où aujourd’hui, des plus jeunes aux plus grands, les Tchadiens n’aspirent qu’à accéder à un poste « juteux  » pour piller et détourner en toute impunité. Cela va sans dire, comme une gangrène, ce vice a gagné toute la société tchadienne. Avec cette différence que ceux, encore que mollement punis, pour illustrer le discours folklorique de l’assainissement public, sont les Tchadiens de second rang, ceux non Zaghawa. Comme quoi les règles sont faites pour ne s’appliquer qu’aux Tchadiens non parents du président. Ainsi la fin de la kermesse du désordre ou de l’impunité ne concerne que ceux-ci. Les Tchadiens n’ont jusque-là pas compris que les discours de Déby ne sonnent en bien que pour ses parents. Il en est encore le cas quand il prêche une certaine « renaissance » qui de fait est plutôt Zaghawa que nationale. Car dans son imaginaire et celui de ses parents, ils doivent renouer avec le temps des privilèges dans la cour des princes du Ouaddaï et du Kanem-Bornou dont ils étaient les supplétifs. Privilèges qui leur permettaient de contrôler le commerce de tout, du Sahara au Kordofan soudanais. On en est à constater que tout semble verrouillé à leur compte pour réaliser ce rêve de « renaissance Zaghawa », toutes les ressources de l’Etat pouvant être pillées par eux à cet effet.»»

Pour la petite histoire, le gouvernement et le parlement acquis à sa cause évitent, chacun, d’initier une loi contre l’enrichissement illicite et les biens mal acquis parce qu’elle ne toucherait en partie que les parents du président qui, à tour de bras, construisent des villas et immeubles à 500 millions ou 1 milliard de nos francs. La corruption n’est pourtant qu’un pan du problème et il faut ajouter au dispositif une loi contre ceux dont le train de vie et les investissements ne reflètent pas leurs salaires. Jamais pouvoir n’aura été aussi partisan dans l’histoire du Tchad ! Ce qualificatif qui aura valu à l’actuel communicant du Palais rose, ancien rédacteur en chef de N’Djaména Bi-hebdo, un passage à tabac, est plus encore vrai aujourd’hui que par le passé. Le pillage et le détournement des deniers publics ont donc encore de beaux jours devant eux…

Les auteurs de crime ne sont pas non plus au ban de la société béri. Aussi jouissent-ils, sous le pouvoir d’Idriss Déby Itno, plus que sous aucun autre précédemment, de l’impunité. Il n’est pas besoin, pour l’étayer, de rappeler les crimes et assassinats de tout ordre dont les auteurs, connus ou non, courent toujours… jusque dans les allées du pouvoir ! La République s’est même forgé un vocabulaire tout taillé pour les excuser et empêcher toute enquête criminelle : acte de bavure, crime crapuleux. Lequel vocabulaire rappelle à notre bon souvenir un certain monsieur « bavure », ex-tout-puissant ministre de l’Intérieur. Pis, comme la punition ne s’applique qu’aux autres, le prix du sang, la « diya  » a été élevée au rang de moyen républicain de coercition pour faire payer lourdement les auteurs d’acte de sang ou d’accidents mortels autres que Zaghawa qui, à l’inverse, ne payent pas grand-chose à leurs victimes d’autres communautés. Le prix du sang, la « diya » ou l’exil du criminel, moyens pour mettre un terme à la vendetta [Tubiana ; 1985 ; 179][4], s’imposent depuis à la justice républicaine. Ce qui se passe dans les cours de nos tribunaux l’atteste et dépasse simplement l’entendement.

Outre l’impunité qu’ils illustrent, ces rites répréhensibles, à travers l’alliance avec des bandits, traduiraient, chez les Zaghawa, une fonction politique : l’acceptation d’un personnage qui se met en marge de la légalité.

On comprend mieux pourquoi le pouvoir d’Idriss Déby Itno s’accommode bien des personnages sans scrupules qui courent les allées de son règne. Comme on le constate, le Tchad aurait évité cet énorme gâchis s’il était dirigé selon les normes de justice, de droit et de mérite qui caractérisent un Etat moderne impartial. Hélas, l’avènement d’Idriss Déby Itno au pouvoir en décembre 1990 a causé une cassure dans la continuité laborieuse de l’Etat impartial. Lequel est désormais supplanté par un « sultanat » Beri dont les us, mœurs et coutumes ont été transposés, en pratique, à l’échelle nationale et impriment dangereusement la marche d’un Etat devenu partial et injuste. Cela, avec la complicité d’une élite inféodée issue d’autres communautés, du sud comme du nord, qui, pour les miettes de la mangeoire, a donné de sa matière grise pour asseoir et pérenniser cette féodalité des temps modernes. De Mahamat Hissein à Nagoum Yamassoum, en passant par Mahamat Saleh Ibet, Mahamat Saleh Adoum, Kassiré Coumakoye, Guelengdouksia Ouaïdo, Mahamat Saleh Annadif, Emmanuel Nadingar, etc., ils sont nombreux à devoir se sentir responsables d’un tel recul.

A moins de revenir aux règles républicaines de l’Etat moderne, on ne voit pas comment la moralisation de la vie publique, clamée à cor et à cri, peut être possible dans ces conditions.

Sinon, l’on court droit dans le mur, vers l’implosion. Que l’on ne se méprenne pas, la militarisation à outrance du pouvoir, aux frais du contribuable, la reddition de toutes les rébellions aux confins du pays et la « bab-el-aziziation » du Palais rose tout au long du fleuve Chari, refrénée heureusement par les ambassades des Etats-Unis au sud et de France au nord, n’y feront rien. Après 40 ans de règne, Kadhafi et ses affidés ont quand même dû, comme des rats, s’effacer de la scène libyenne… Au sein de cette jeunesse pourrie par l’implémentation de l’Etat immoral et voyou, il y en a qui restent conscients des enjeux immédiats et globaux, prêts à porter le «  printemps » tchadien…

 

Tribune publiée sur le site Agoravox par Maxwell N. Loalngar

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[1] Tubiana, M-J., 1985, Des troupeaux et des femmes : mariage et transfert de biens chez les Béri (Zaghawa et Bidéyat) du Tchad et du Soudan, Paris, éd. L’Harmattan

[2] « Ambata », ainsi appelle-t-on ce bandit chez les Zaghawa, selon JM Tubiana

[3] HAGGAR, Bichara Idriss, 2003, Tchad : témoignage et combat politique d’un exilé, éd. L’Harmattan, Paris.

[4] Le prix du sang permet d’éviter la vengeance, au même titre que l’exil d’un meurtrier et de sa famille, chez les Zaghawa. P.179

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Auteur·e

djarmaacheikh

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