Tout attentat terroriste n'est pas forcement l’œuvre des islamistes

image

Prés de deux semaines après l’attentat du 15  juin qui a frappé la capitale tchadienne N’Djamena, l’acte n’a toujours pas été revendiqué. Les autorités accusent la secte islamiste nigériane Boko-Haram, mais ne présente aucune preuve pour soutenir ses accusations.


Controverses, incohérences, agitation et brutalité sont employées par les autorités tchadiennes qui cherchent toujours les responsables des attentats du 15 juin. Une violence qui laisse planer le doute non seulement sur la version des faits avancé par le gouvernement mais aussi sur ceux qui pourraient bien être derrière cet attentat.

Qui se cache véritablement derrière cette attaque ? Qui sont les vrais responsables ? Quel était leur principal mobile ? Autant des questions que se posent de plus en plus les Tchadiens, car les explications du gouvernement ne convainquent plus personne. Pour tout observateur avisé de la scène politique au Tchad, deux hypothèses sont plausibles.

Un attentat perpétré par Boko-Haram

Si l’attentat n’a pas encore été revendiqué par la secte islamiste, tous les regards se tournent vers elle car à maintes reprise, son leader Aboubakar Shekhou avait menacé le président Deby des représailles. Le Tchad fait l’objet de menaces depuis sa participation militaire dans une coalition régionale en première ligne au Nigéria dans la lutte contre le terrorisme.

La proximité entre la capitale tchadienne et les régions du lac-Tchad dans lesquelles sévit le groupe islamiste laisse croire à des infiltrations ou à la réactivation des cellules dormantes.

Cependant, le comportement de nos autorités a été plus suspect que le silence des islamistes. Sans attente, un comité de crise a été constitué en urgence pour gérer la situation. Mais paradoxalement, il n’a fait qu’attiser la frustration et la colère des Tchadiens, indignés par ses décisions drastiques et inappropriées prises pour lutter contre le terrorisme ou plutôt faire plaisir à Deby et sa famille.

Il est strictement interdit de porter la burqa, de turban ou tout autre système où on ne voit que les yeux, avait annoncé le première ministre tchadien à la télévision nationale. On apprend ainsi que même les casques moto sont interdits. Pourtant selon le rapport de police et les image vidéos [flous] diffusées, les trois auteurs de cet attentat ne portaient ni burqa, ni turban, moins encore de casque. Ils étaient mal-habillés, en pantalon et chemise et trébuchaient, ce qui laisse croire qu’ils étaient sous  emprise des stupéfiants. Donc, qui vise-t-on avec ces décisions? Serait-on en train d’accuser une communauté particulière ? Si le fait d’interdire le turban est une façon de prévenir ou d’éviter un attentat terroriste, que dirait-on du grand Boubou, de Djalabia ou de Kaptani ? Ne sont-ils pas des habits susceptibles de cacher des bombes et des armes ? Ou nos forces de défense et de sécurité ont-elles désormais le don d’identifier un terroriste par un simple regard direct dans les yeux ?

Il est aussi interdit la navigation des pirogues et la pêche sur la portion du fleuve entre Gassi, la sortie sud-est de N’Djaména, et Karkandjiri. Cette mesure en revanche ne vise qu’à sécuriser la présidence avant tout. Car l’attentat du commissariat central n’était qu’a 50 mètres à peine de la présidence. Et il faut avoir des complices bien placés pour commettre une telle opération dans le  quartier le plus sécurisé de toute la ville. S’il faut assurer la sécurité du Général Deby, qu’en est-il du reste de la capitale et des provinces ? On sait aussi la haine des djihadistes envers les Occidentaux. Pourquoi laisser l’ambassade de France et s’attaquer à une école de police ?

Dans la déclaration du première ministre toujours, au nombre des mesures figurent le changement des cartes d’identité nationale et des passeports en cours. Une décision qui relève de l’escroquerie selon beaucoup des Tchadiens et a provoquée un tollé de mécontentement sur les réseaux sociaux.
Quel est le lien entre les pièces d’identités et l’attentat-suicide? Doit-on comprendre de cela que les terroristes se sont munis des pièces d’identités tchadiennes pour s’introduire dans la capitale? Et qu’est ce qui prouve qu’ils sont des étrangers? A-t-on la preuve qu’ils ne sont pas des Tchadiens ?

Et pourtant, depuis 24 ans, qui contrôle le renseignement et délivre les pièces d’identité ? Ismaël Chaibo, Hassan Borgo, Ramadan Erdoubou, soit des proches darfouri  d’Idriss Deby. Sur quoi les autorités tchadiennes se baseront-elles  pour déterminer qui est Tchadien et qui ne l’est pas ? Celui qui est muni d’un passeport doit être muni d’une carte nationale et doit aussi avoir un certificat d’acte de naissance. Mais si le passeport actuel est facilement falsifiable, rien ne dit que le prochain ne le sera pas. Et si c’était une façon de remplir les poches d’un certain Bedey ?

Une vengeance Zakhawa

Si ce n’est pas Boko-Haram, c’est Zakhawa. Ainsi s’accordent à dire les Tchadiens aujourd’hui. Mais si beaucoup n’arrivent pas à expliquer cette hypothèse persistante, c’est parce qu’ils regardent dans la mauvaise direction.

Tout remonte au  27 Avril 2015, lorsque les milices pro-Khartoum avaient décimés le principal mouvement rebelle du Darfour, le Mouvement pour la Justice et l’égalité (MJE) composé essentiellement des parents de Deby dont il fut le parrain avant la normalisation des relations entre N’Djamena et Khartoum en 2009.

La bataille qui a eu lieu dans la région de Goz Dongo au sud du Darfour entre les milices appartenant au service de renseignement soudanais composée de 4.000 éléments ont tenu une embuscade aux 1.100 combattants du MJE. Au moins 400 rebelles ont été tués dans cette embuscade et d’importants stocks d’armes, de munitions et 250 véhicules lourdement armée avaient été saisis. Une victoire qui a conduit le président soudanais Oumar El-Bechir à aller sur les lieux pour savourer la victoire. Lui, qui n’encaisse que des défaites et des fuites sur tout les fronts.

Après cette défaite cuisante, les leaders politiques du MJE ont accusé Idriss Deby de les avoir vendus aux Djelaba [arabe] et d’avoir trahi la cause de la communauté Zakhawa du Soudan ainsi que du Tchad.
Une trahison qui ne restera pas impunie d’autant que le mouvement a perdu l’essentiel de son aile militaire.

Pour ceux qui connaissent la mentalité de cette communauté et leurs pouvoir de faire courber et de décider de la politique au Tchad, on est amené à croire que l’attentat de N’Djamena n’émane pas de Boko-Haram mais plutôt d’une tentative d’envoyer un message fort au pouvoir qui est restreint à la seule famille Deby.

En attendant une revendication de Boko Haram, la seconde hypothèse est la plus privilégiée.
Quant à l’expulsion forcée du journaliste de RFI, Laurent Correau, c’est une autre histoire. Je reviendrai dessus…

Djarma Acheikh Ahmat Attidjani (Activiste politique, mondoblogueur)

Étiquettes
Partagez

Auteur·e

djarmaacheikh

Commentaires

MI H
Répondre

Apprend le francais d'abord avant d'écrire